Aller au contenu

Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
fortunez. Entreprise II.


sēble eſtre le digne arreſt de nos eſperāces ne l’eſt pas, ſouuent les feintes lumieres nous paroiſſent vraye clarté, & ce ne sōt que bluettes. Faut-il que ie me manifeſte ? il faut que ie le die. A la rēcontre de cet amour, que ie fus heureux ! que i’eus de biē, & de cōtentement ! Noyé des delicieuſes ſuppoſitiōs de ma fidelité, ie me mocquois de la Fortune, ie lui dōnois congé, auātureux en deſſeins ie ne reſpirois que gloire, & mō ame ſe trouuāt toute ſatisfaite, ſe preſumoit au sōmet du ſouuerain biē. Tout glorieux de ſi bōne fortune, ie croyois que l’vnique obiet de perfectiō fut ceſtui-cy me poſſedoit. I’ay veu quelquefois de meſme les pourſuiuăs auoir telle eſtime de leur hazard : c’eſt ce qui rēd beaucoup d’ames abuſees, leſquelles ne cognoiſſent leur erreur, que lors qu’auec vergongne, le dédain les chaſle honteuſemët, & qui pis eſt, infinis ſ’obſtinēt à leur malheur, & au lieu de ſe ietter és erres d’vne belle reſolution, ſe laiſſent emporter au faſcheux coulāt de leur calamité. La cauſe de leur mal eſt l’ignorance qui fait qu’ils ne diſcernēt pas que les dedains cōtinuels de l’obiet deſiré, ſont ſignes certains, que les deſtinees no° appellēt à quelque choſe de meilleur euenemēt. Malheur à ceux qui practiquās le deſplaiſir que causēt tels reuers ſ’y obſtinēt. Et pour quoy veut vn eſprit ſe bāder en biē à ce qui lui eſt cōtraire ? n’alez point disāt, que faute de courage, fait que l’on ſe retire ſur ſa perte. Il y a de la grandeur à dedaigner ce qui dedaigne, cōme il ſe trouue de la laſcheté à ſe laiſſer maſtiner, par vn œil orgueilleux qui voudra rēplir le mōde de ſes preſomptions, vne iuſte audace eſt plus à priſer, ſecouant vn ioug faſcheux que n’apporte de com-