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fortunez. Entreprise II.


a tant ingratement troublé ſon ſeruiteur, & ſuppoſant vn nom au lieu du voſtre, vous ferez à ce nom porter vos iniquitez. Que voulez vous ? En la ſorte que l’amour merite recompenſe, voſtre indiſcretion coulpable de crime de leſe amour, eſt digne que ſoyez affligee, & que vous oyez que ie vous annonce voſtre chaſtiment.

Il fut long temps à ſon diſcours, pource qu’vne beauté merite que l’on parle longtemps d’elle, ſoit pour la ſeruir, ſoit pour la laiſſer ; & apres qu’il nous en eut entretenus, il mit aux pieds de celle qui preſidoit l’exemplaire de ſon deſdain qu’il auoit doucement chanté en teſmoignage de ſa reſolution. Quoy ? luy dit la Dame, vous m’offrez vn faſcheux preſent : il reſpond ; Ie ne vous l’offre point Madame, ains ie le vous preſente pour en iuger : Ie l’euſſe mis en la main de celle qui a eſté vnique belle à mon ame : mais vne ſage Nymphe Angeuine me conſeilla de ne le faire pas, & meſme me defendit de la nommer, encor vouloit elle que ie ſupprimaſſe mon depit. Luy obeiſſant en ce que i’ay peu, i’ay teu ce nom tant de fois, tant honoré, & bien que la belle ſoit preſente, ie ne luy veux faire ouyr que le ſon de mes raiſons, qui ne ſ’addreſſeront à elle qu’au prix que ſa conſcience la iugera. Cela dit, il ſe retira d’auec nous, & de telle promptitude, ſubtilement exercee, que ſans que nous y priſſions garde, il ſ’euada tellement que depuis nous ne l’auons point veu. I’ay eu la charge de m’en enquerir, & de faire eſtat de ce qui ſ’eſtoit paſſé, meſmes i’ay recueilly ſon excez de deſpit-galant, que le docte Bauduyn a mis en


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