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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/279

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Le uoyage des Princes


muſique, vous en oyrez tantoſt les accords, & ſi vous y prenez plaiſir, & que voſtre curioſité embraſſe ce deduit, vous le diſcernerez & en iugerez. Là, encor faut-il auiſer à ces confitures ; Page, donnez vn peu de ce muſcat de la bouche, c’eſt ceſte bouteille coiffee d’eſtoupes de ſoye violette. Or la belle qui auoit ouy tous les propos de cet amant, ſe conteint longuement auec grande conſtance, toutefois la puiſſance de la verité qui luy faiſoit cognoiſtre ſa faute, luy flagella le courage, & ſingulierement apres que les myſteres furent accomplis, & qu’elle ſe pourmena au iardin, là eſtant, l’inquietude de ſon cœur ſ’augmenta, & il luy aduint ou d’enragé deſpit, ou de fort regret, qu’elle ne peut ſi bien ſe commander & retenir l’air de ſon ennuy, qu’il ne luy cheut quelque larme de l’œil, dont vne par hazard tomba ſur le vegetable vniuerſel, aupres duquel elle ſ’eſtoit negligemment aſſiſe : or ceſte mignonne liqueur conuient auec celle qui eſt en cet agent, ſans lequel rien ne prend naiſſance ou augmentation. Donques ſe rencontrant au temps de la formelle vegetation, ſa ſeue eſtant en vigueur conceuante, & la receuant elle ſe multiplia appertement par l’heureuſe production eſſentielle, qui luy fournit abondante occaſion de fluer. Le iardinier, qui ſeul de ce nom eſt recognu entre les curieux, a fort bien remarqué ce qui en eſt auenu, & meſmes y a pris garde, pourçe qu’il auoit veu ceſte Damoiſelle (non ineſtimable entre nous) qui ſ’eſtoit arreſtee en ce lieu, tout ainſi que ſi expres elle ſi fut miſe, & penſant que ce fut quelque Fée, l’auoit