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Le uoyage des Princes

On vous verra paſſer comme vne fleur fanee,
Et chacun en mettra la cauſe en mes amours,
Son braue ſeruiteur l’ayant abandonnee,
Diront ils, à regret elle tire fes iours.
J’en ſeray bien marri ſans y pouuoir que faire,
Car ne les aymant plus vos beautez i’oubliray
Vous m’enſeignez aſſez comme il ſe faut diſtraire
Auſſi le pratiiquant ie me retireray.
J’y ſuis determiné, comme ie le proteſte,
Vos inſolens dedains m’ont aſſez reſolu,
Je ne veux plus qu’amour par vos yeux me moleſte,
Uoſtre œil ne ſera plus mon ſeigneur abſolu.
Bien que i’aye regret de cette departie,
Pour le plaiſir receu de ſeruage ſi doux,
Si faut-il eſchapper pour le bien de ma vie,
Car ie ne me veux plus incommoder pour vous :
Ie cognois tout ainſi que ie vous trouuois belle,
Que vou manquez d’eſprit comme de loyauté,
Eſt-ce point en manquer que faire la cruelle,
Sur mon cœur, rebatu de telle vanité ?
Auſſi c’eſt à ce coup, tenez, rompons la paille,
Uiure d’afflictions ie ne veux & ne puis,
Ie veux auoir du bien en quelque part que i’aille,
Auec contentement ſans le payer d’ennuis.
Mais pourtant vos deſdains n’ont point tant d’efficace,
Que par eux ie ſouſpire en ſi parfaicts accens,
Car quand ie ſuis aimé i’ay bien meilleure grace,
A dire les effects du plaiſir que ie ſens.
Vous euſſiez eu plus d’heur, de merite & de gloire,
D’entretenir mon cœur, que le diſgratier,
Mais vous y perdrez tout, car ie perds la memoire