Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
Le uoyage des Princes


les plus ineptes eſtre iuges de cet ouurage. Le Ciel me le pardonnera, d’autant qu’il m’a conduit auec les autres, qui tant plus ont excellé & plus ont eſté ſuiets aux iugemens des moindres, & de ceux qui eſtoient indignes d’y penſer, l’Amour m’excuſera pource qu’il veut que ſes feux paroiſſent ; & les beaux Eſprits me remettront ma faute, pour autant que leur loüange s’augmentera en ce qu’ils ſont ſeuls, auſquels i’adreſſe ces raretez pour leur y repreſenter ce que ie tiens d’eux : Si ie ſuis moindre que pluſieurs qui excellent, ma reputation fera qu’ils m’enſeueliſſent en l’honneur de leurs merites ; Si i’en egale quelques-vns, ils ſeront touſiours mes lumieres ; & ſi quelqu’vn taſche de me faire voir au deſſus de ma valeur, i’auray ce beau contentement de l’auoir eguillonné à la iuſte enuie qui nous meine tous vers le terme de felicité : Et ceux que ie ſurpaſſeray n’auront point honte de ma gloire, qui ſera le Fare de leurs eſperances. Doi-je craindre le haſard qui eſchet aux plus grāds ? Ces memoires auront-ils la diſgrace de tōber quelques fois entre les mains communes ? Les bouches ignorātes profereront-elles ces paroles qui enuelopent tant d’exellences ? Qu’il arriue ; Si est-ce que i’auray ce glorieux auantage pour conſolation, qu’il n’y aura que les ames d’intelligence qui conceuront ce qui eſt icy de notable, les prudens ſeuls l’entendront ; & ce qui eſt de beau ne fera point, le chant ny les paroles vagantes des indiſcrets : Et bien que parfois les aërs apparens en soyent poſſible reſonnez par les leures abiectes, le ſecret pourtant n’en ſera cognu que des Sages ; C’eſt ce que mon courage reſolu m’en