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Le uoyage des Princes

Mon cœur s'eſcoulera preſsé de ſa triſteſſe,
Mon ame periſſant n'aura plu de deſirs :
Et ne reuoyant point ceſte belle Maiſtreſſe,
Mes eſprits defaudront troublé de deplaiſirs,
Mais quelle triſte humeur veut ſeduire mon ame,
La faiſant reuolter de ſa propre grandeur ?
Non ! ie ſuis alumé d vne ſi belle flame,
Que ie ne feraypoint d'outrages à mon cœur.
Bien que ie ſois abſent du ſurjon de ma vie,
Que s'eſloigne tant loin la ſource de mes feux,
Si eſt-ce que mon ame à ma lumiere vnie,
Ne s'en eſloignera ſeulement que des yeux.
Ie ne m'eſpandraypoint en indignes detreſſes,
Bien que ie ſois preſſé de trop greues douleurs,
Mais des cœurs releuez imitant les addreſſes,
Plus ie m'eſloigneray tat plus i'auray d'ardeurs.
Le ſouuenir heureux qui touſîours m'eſpoinconne
Plus parfaite qu'a l'œil ma belle me fait voir,
Et les diuers deſſeins que ſa beauté m'ordonne,
Mettent deuant mes yeux l'eſtat de mon deuoir.
Ainſi faut ſe parer contre la deſiinee,
Quad elle veut troubler le bôheur de nos cœurs,
Et l'eſperance eſtant en vne ame bien nee,
Elleſent en plaiſirs tranſmuerſes malheurs.
Jamais # n'eſt abſent de ſa Belle,
Car l'ayant dans le cœur, il la reſſent touſiours :
Il la uoid, il la ſert, é d'une ame fidelle,
Il luy rend meſmes vœux & les meſmes amours.
Ie n'eſloigne donc point voſtre belle preſence,
I'y ſuis par trop vni par mes fidelitez,
Mes deſirs ayans pris ſi parfaite naiſſance
Pour obiet eternel, ont touſiours vos beautez,
Telle ſera ma foy que ie vous l'ay iurcee,