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Le uoyage des Princes


les ayans pratiquez, ils inſtruiſirent les plus aduisez d’entre nous leſquels receurent d’eux vne carte marine pour l’adreſſe de nos voyes : Auec ce beau moyen & autres instructions nous taſchasmes de prendre la route de Nabadonce & Glindicee : Mais trop nouueaux & à dire vray trop aiſes de noſtre fortune tant proſpere, eſtimans eſtre deſia les plus auancez en cognoiſſance, nous nous laiſſasmes emporter aux vents de Soniponi, qui nous enueloperent en tant d’ondes que lors que nous cuidions eſtre pres de surgir en vn port delectable, nous fuſmes jettez contre l’eſcueil de Filoé, ou noſtre vaiſſeau fut vn peu froiſſé a coſté & en fin eut eſté briſé & nous perdus du tout, sans l’ineſperé ſecours qui nous vint d’vn nauire qui nous fut propice. A la verité ceux de ce vaiſſeau nous firent grande aſſistance & dauantage nous receurent benignement auec eux, c’est vn grand bien de faire rencontre de gens charitables, ces perſonnages nous firent tant de demonſtrations de charite naïue & de bonnes compaſſions, que nous eſtimions noſtre dommage à bon-heur, ils nous preſenterent viures & commoditez & par leur moyen noſtre triſte vaisseau fut releué : nous le deſchargeames & refiſmes par cy, par là, le mettant en eſtat de ſuyure le Grand, auquel nous fusmes reçeus. Ce bien dernier nous fut un ſignalé bon-heur & encor plus grand que la conſeruation de la vie, d’autant que trouuer ce qui fait bien viure, eſt plus que viure : Auſſi ce n’est pas viure que trainer vne vie morte, telle eſt celle de ceux qui n’ont point de beaux deſſeins, & ne pretendent à aucune perfection. Ha ſi dès cét heureux