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fortunez. Entreprise I.


inſtant nous euſſions recognu ce que nous auions rencontré, & que nous euſſions pu diſcerner le bien qui s’eſtoit offert à nous, ou que dés lors noſtre ame eut eſté capable de reſentir la verité qui ſe preſentoit à nous au commencement de noſtre fortune, nous n’euſſions pas ſi longuement & incertainement ſuiuy le vain pourchas où les apparēces nous pouſſoient à des entrepriſes hazardeuses & grandes, & pour dire vray tres-notables, leſquelles nous ont allechez & attirez vogants trop eſlongnez (par noſtre indiſcretion) de ce qui s’offroit à nous en l’enfance de nos pourſuites ! La frequentation de ces gens de bien nous rendit familiers ; par ainsi nous ſçeumes vne partie de leur eſtre, & nous leur racontaſmes qui nous eſtions, nos eſtats & deſirs, vray eſt que comme font les fins qui cuident l’eſtre : ce n’eſtoit qu’en termes generaux, faiſans vn peu les entendus : Car nous ne uoulions pas ouurir la bouche de l’entrepriſe pour Xyrile. Miſerables que nous eſtions. Si nous leur en euſſions parlé certes à la bonne humeur où ils eſtoiēt, ils nous l’euſſent decellee, & nous euſſent mis en la droite voye de la rencŏtrer. Auſſi l’auons nous biē ſçeu : car ſans eux il ny a pas moyē dy auoir accez, & ils euſſent eſté tres-aiſès deſlors de nous tāt gratifier, dautāt que c’est leur gloire, & sur tout de trois que nous viſmes là qui ſont ceux qu’ils falloit cognoiſtre. Nous ſçeumes biē à peu pres d’où ils eſtoient, parce qu’on nous declara ce qu’ils auoienc diuulgµé de leur eſtre ; c’est qu’ils eſtoient freres, se diſans fils d’vn ſage pere qui les enuoyoit voir le pays pour faire fortune, à cauſe de quoy ils ſe nommoyent les Fortunez, qui depuis