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fortunez. Entreprise II.


d’icelle le ſeruir plus dignement : Le Roy trop violentement eſpris de cet homme, lui enſeigna liberalement ce qu’il en ſcauoit, & le tançant de ce que pluſtoſt il ne l’auoit demandé, lui fit tellement practiquer qu’il le ſceut du tout, & parfaittement. Spanios tres-aiſe de ſi bonne & grande fortune, tout confit de contentement en ſon cœur, ſ’eſleuoit par deſſus toute bonne auāture, & faiſoit des deſſeins de non petite conſequence. Ce mignon du Roy ſe voyant auancé en tant de felicitez, ſe mit en la fantaiſie de nouueaux deſirs, & pretendant aux ſouueraines voluptez, ſe debanda du deuoir, pour vaquer à la recherche, des occaſiōs, pour venir à bout de ſon entrepriſe. Qui a-il au monde que la fureur de concupiſence ne face tenter à celui qu’elle domine ? il auint que le Roy eſtant à la chaſſe, Spanios qui iamais ne l’abandonnoit, trouua moyen de le diſtraire, & le deſtourner ſi loin de toute compagnie, que ſ’auiſans ils ſe trouuerēt égarez, & qu’ils n’auoient pas bien ſuyui les alleures du cerf ains auoyent pris le change. Donques retournans au petit pas pour ouïr & ſe r’alier & reprendre leurs briſees, voila que deux belles ieunes biches ſe preſenterent leuans la teſte, & dreſſans les oreilles, Spanios qui vid que la fortune lui ſuggeroit vn beau moyen, dit au Roy qui n’auoit garde de le deſdire, Sire, vous plairoit-il que nous allaſſions en ces Biches, faire deux ou trois paſſades de plaiſir ? LeRoy s’y accordāt en tire vne qui tōbe morte, & Spanios de meſme en met vne à bas, apres quoy ils mettent pied à terre & attachent leurs cheuaux chacun à vn arbre le Roy va vers