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Le uoyage des Princes


vne biche, & Spanios auſſi vers vne, incontinent celle du Roy ſe leue & ſe met à tirer païs ; ce que conſiderant Spanios va droit au corps du Roy, qu’il releue & laiſſe le ſiē giſant en bas, puis mōte ſur le cheual royal & donne les champs au ſien, en cet eſtat ayant laiſſé ſon propre corps, & celui de la Biche, il tire où il penſe trouuer la troupe. Il fut rencontré par les Gentilshommes & autres qui cherchoyent le Roy, & il retourna auec eux. Sur le ſoir qu’il eſtoit au Palais, on apporta le corps de Spanios qu’on auoit trouué mort aupres de la foreſt, la plainte en fut faite, & les obſeques ordonnees pour les iours ſuyuans. Or eſt-il que la nuict precedent cet acte, le Roy n’auoit pas couché auec la Royne, & ceſtui-cy eſtant retourné veint à la chambre de la Royne, où il y auoit force Dames, & veint l’entretenir preſque à la façon qu’auoit accouftumé le Roy, elle qui eſtoit ſage & accorte, & des plus auiſees du monde, auec ce qu’elle auoit de doctrine acquiſe, l’oyant diſcourir : & puis ſachant la mort de Spanios, entra en quelque ſoupçon, ioinct qu’elle ſçauoit bien que le Roy auoit apris ſon ſecret à Spanios, elle voyoit bien le corps aymé de ſon Roy, mais elle n’y apperçoit point les effects de ce bel eſprit, le preſent n’auoit pas les belles pointes de ſon ſeigneur, ſon ame iuge qu’il y a de la fraude en ceſte ame. Bien eſt-il que chacun voyoit ce Roy tout morne, mais on eſtimoit que c’eſtoit à cauſe de la perte de ſon mignon, & luy n’eſtant aſſeuré en ce corps, eſcoutoit & peu à peu ſ’arraiſonnoit pour ſous la feinte de dueil, s’eſtablir en ce qu’il deſiroit. Vn pe-