Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
Le uoyage des Princes


quelques iours auoient fait voile partant de Nabadonce. Nous auions vn ſingulier plaiſir de leur frequentation, car elle eſtoit douce, leur humeur deſirable, leur preſence accoſtable, & leurs façons extremement accortes. Eſtans en ce plaiſir nous sentiſmes le reſpir d’vn vent auſſi doux que celuy de fidele Amour, & entraſmes en vne route incognuë, tant aux nochers qu’à nous tous, excepté à vn vieil curieux qui autres fois s’eſtoit trouué en ceſte contree de mers & de terre : ceſtuy-là nous aſſeura, en nous racontant de grands merueilles de l’endroit où nous eſtions, & de l’Iſle que nous voyons, au haure de laquelle nous surgiſmes bien toſt. Ayans eſté deſcouuerts par les habitans, il partit d’entre les chaines vn esquif qui nous veint recognoiſtre : Le Capitaine ayant parlé à nous, & le vieil curieux apres quelque mutuelle conference s’entrefirent chere, & au signal la grand chaine fut baiſſee, & nous arriuaſmes en l’Iſle Sympſiquee, de laquelle les couſtumes sont cogneuës de ceux qui ont frequenté la Pucelle d’Orleans. Or pource que tant ceux qui eſtoient de Nabadonce, que nous qui auions deſià veſcu quelques iours auec eux, auions recognu les Fortunez eſtre tres-capables, ils furent d’vn commun accord eſleus nos conducteurs : Parquoy ceux de l’Iſle nous ayans receus honorablement, & gratieusement, nous ne fiſmes que suiure les trois Freres. Cependant ces bons inſulaires meus de compaſſion mirent ordre à ce que noſtre vaisseau fut racouſtré.