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Le uoyage des Princes


gnon qui eſtes vous : le par. Belle Royne ie ſuis auiourd’huy en voſtre puiſſance, pour eſtre conſerué ſi vo° le voulez, ou acheué de ruiner ſi vous le deſirez : de vous ſeule depend l’acheuemēt de ma miſere, ou le renouuellement de mō bien. la royne. Quoy mon parroquet, vous auez biē du iugemēt, & du diſcours, vous m’auez dit vn mot qui eſtoit particulier à mon Roy & à moy, eſtes vous point quelque eſprit qui ſous ceſte figure d’oiſeau, vouliez ſcauoir mes affaires ! le par. Si mon ſecret vous eſt cognuie vous prie le tenir ſecret, & faites ſelon voſtre prudence. la royne vous m’eſpouuantez, parroquet. le par. Il n’y a point de cauſe de crainte, car ie ſuis ſous voſtre pouuoir, mais reſpondez à mon ſecret. la roy. mö cher parroquet ie cōmence à m’aſſeurer, voſtre ſecret ſera le mien. Cela dit, il lui conta amplement ce qui eſtoit auenu, & cōme ayant trop aymé Spanios, à qui il auoit declaré le beau ſecret, il l’auoit trahi, lui disāt ce qui c’eſtoit paſſé. Depuis ceſte heure là, la Royne voulant ſe retirer & recreer, elle auoit recours à sō parroquet, entretenant ce royal oiſeau qui lui faiſoit le diſcours de ſes fortunes, craintes, & deſirs, & elle le conſoloit l’aſſeurāt de ſon amitié parfaite, ce qui ne ſe paſſoit gueres, que la triſte Royne n’arrouſat la cage de l’oiſeau tāt aymé de ſes pudiques larmes, pleines de cōpaſſiō & d’amour, car le ruiſſeau en couloit de parfaicte affectiō, ces cheres goutes eſtoyent toutesfois pour la pluſpart pluſtoſt ſechees qu’aſſemblees, & bien que ſouuent elles fuſſent toutes de feu, l’angoiſſe les refroidiſſoit ſi lentement, que la pitié germoit à leur rencontre.