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fortunez. Entreprise II.


moyselle auoit, fort pris garde aux Fortunés, croyant qu’ils eſtoiēt ceux dont elle auoit autre fois ouy parler, cela fut cauſe que ſi librement elle parle auec Vivarābe, lequel à l’heure deſiree fit partie auec ſes freres d’aller voir ce marchād, pour deſcouurir qui eſtoit ceſte belle, Ils vindrēt donques aux lieux où elle eſtoit, & le marchand les mena en ſa chambre où ils virent ceſte belle comme vn eſclair brillant au commencement des tenebres : Il eſt à croire que ſi leurs cœurs euſſent eſté libres, il n’y euſt pas eu moyen de ſ’echapper des flammes excitees par ces beaux yeux : Eſtans entrez ils trouerent ſur la table des inſtruments de muſique, & demāderent qui ſ’en aydoit, la Belle dit que c’eſtoit elle qui en faiſoit meſtier, & que ſ’ils deſiroient en auoir le plaiſir que tout incontinent elle leur en donneroit le paſſetēps : c’eſtoit leur preparer ce qu’ils demandoient : parquoy auſſi toſt ils ſ’y entremirēt auec elle, luy diſans qu’ils y prenoyent plaiſir, & l’accompagneroyent : Elle dit quelques airs puis les prie que tous enſemble ils chantaſſent & touchaſſent des inſtrumens, ce qui fut galemment executé, & ainſi ils paſſerent quelque heure & comme les Fortunez laiſſoient les inſtruments qu’ils auoyent touchez, elle leur dit que pour les remercier elle leur vouloit donner vn air tout nouueau, de paroles & de muſique, pour ceſt effect elle prit ſon lut & de ſa voix image de la douceur qui plus contēte l’oreille, accompaigna les accens de ce ſouſpir auec vne grace eſgale à la perfection.


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