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Fortunez. Entreprise III


à celle la ſeule que i’ay indiſcretement perdue, ie la tiens pour vnique Fée dominant ſur mes deſtins, qu’à ceſte heure elle touche pour les fai re aller à ſon gré : L’aymant ſeparé de ſa mine, ou priué de § du metal qui le nourrit, ſe § & perdant ſa vie, demeure ſans vigueur, vne pierre inutile & vn fardeau deſagreable : de meſme trop ſeparé de celle qui eſt l’agiſſant qui fait mouuoir mon ame, ie ſuis vn vain corps & mon eſprit n’eſt que la ſimilitude de ce qu’il ſou loit eſtre, il eſt ſans ardeur, ſans beaux mouue mens, ſans belles cogitations, aſſopi & retenu dans ſon centre oyſeux & deſnué de ceſte excel lente agitation, qui le mouuoit aux grandeurs de ſes penſees, ſelon les accomplies rencontres de perfection. Tel eſt l’eſtat où ie languis ſi ſurpris des debilitez que cauſe la deſplaiſance, que ie ne me recognois plus ; Au lieu d’auoir l’humeur rompte & ſoudaine, l’intention gaye & reſo † penſee galante & releuee, ievay cheminât auec le deſordre de la triſteſle. Et ſ’il ne me re ſtoitvn peu de ce leuain d’eſperance qui me gra tifie des conſolations que ſe forment les fideles amans, ie ne ſerois plus que la ſtatue de ce que ie deurois eſtre : Ceſte beautéd’eſpoir eſt le reſte de l’eſtincelle de ma vie, c’eſt ce qui me retient & accouſtume à ſuporter le faix de mes inquietu’des, me faiſant reſoudre à la continuelle pourſui te de mö dueil, & toutefois iem’euertue à ce que vous me propoſez par l’eſpoir que i’ay de bié ré contrer : carie n’ay entrepris ces beaux deſſeins que pour r’auoir mon bien : S1 ie ſuis tant heu= reuſement regardé de l’aſtre fauorable que cela


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