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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/56

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fortunez. Entreprise I.


che, triſte & eſpouuantable, là n’y auoit qu’vne veuë dont le ſouſpiral eſtoit inacceſſible : En ce lieu de miſere giſant ſur la dure impiteuſe, ie me ſentis pres du roc deſſeiché, & touchant viuement la dureté de la pierre, i’appris que i’eſtois tout nud, le ſentiment m’y fit prendre garde, par quoy ie me vis à la clairté telle qu’elle ſe pouuoit communiquer, que i’eſtois deſpouillé de tous veſtemens, n’ayant que ceſte peau de cheure deuant moy, dōt ie ſuis ceint, au reſte i’eſtois las, abbatu & de forces ſi aneanti, que mon reſueil me fut eſpouuantable. Mes ſens raſſemblés, mon eſprit recueilli, mon iugement ramené, ie me vy en ceſte caue profonde, loing de tout moyen d’en ſortir : Et puis ſi ie le diſois en la ſorte que ie le recogneus, ie vous ferois perceuoir les plus horribles peurs dont on nous faict crainte pour domter nos actiōs folles : ie me trouué là ſeul, c’eſt peu, ſans eſpoir, il peut reuenir, ſans commodité, elle ſe renconsre, mais i’aduiſé outre ma penſee vne compagnie de difficile frequentation, qui me mit en l’ame toutes les idees de crainte, c’eſtoit vn grand ſerpent aiſlé qui repairoit au fonds de l’antre : Ce ſerpent ietta ſes yeux ſur moy, les rouillant horriblement, & ie cuiday qu’en ce geſte il me marchandaſt pour ſe venir ietter ſur moy & ſe raſſaſier de ma triſte chair. Tout deſeſperé, ne craignant plus que ce dernier hazard, que i’eſtimois ineuitable, ie m’allay tappir en vn petit cognet, qui touſiours depuis a eſté mon logis, vn cœur valeureux le peut-il dire ? la nuict me fut biē longue : d’autant que i’auois peur, & ſi pourtant ie faiſois de belles entrepriſes pour eſtouffer le


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