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Le uoyage des Princes


dragon, mais ce que ie meditois eſtoit vne audace d’enfant nud contre vn geant armé ; d’vn petit chien vers vn cheual valeureux. Au matin que le iour nous eut faict veoir ce que ie trouuois encor plus eſpouuentable, ce grand & dangereux animal, ſe ſecoua eſpouuantablement & ſe battant d’aiſles & de queue, fit toute reſonner la cauerne : Ie me iugeois à ce coup & m’attendois d’eſtre deffait, m’aſſeurant qu’il ſe preparoit pour me venir deuorer & faire vne gorge chaude de ſi peu que i’auois de bon ſang, i’eſtois en ceſte perplexité : & toutesfois le pauure animal ne ſ’en eſmeut aucunement. Enuiron le midy le dragon comme eſueillé fit vne vehemente ſaillie, & ſ’aidant de ſes aiſles ſe donna large parmi l’antre, vers la voute duquel il vola pluſieurs fois, l’eſgayant en ſes passades aërees, puis ſ’eſtant roulé sept ou huict tours cōtre le fons de noſtre deſplaiſant habitacle, & ayāt ietté ie ne ſcay d’intention quelles œillades ſur moy qui l’attendois tout deſolé pour terminer ma vie & ma triſteſſe, il ſ’alla renger vers vne pierre qui eſt au ſeptentrion de la grotte & ſ’eſtant alongé de toute ſon eſtendue ſe redreſſant vn peu ſur les mains, ſe mit à lecher ceſte pierre, & fut à ceſt exercice quelque demi cartd’heure, puis ſ’eſtant vn peu eſiouy ſ’en retourna en ſon lieu : ſans me # du dommage auquelie m’eſtois reſolu ie patientois attendant le treſpas que ie me tenois tout aſ ſeuré deuoir auenir par les déts de ceſte beſte, la quelle toutesfois ne fit aucū ſemblant de me vouloir offēcer. Deux iours ſe paſſerēt que ie veid ſes geſtes de meſme, & ie ne bougeay de mon petit