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fortunez. Entreprise I.


des geſtes gracieux plus & en plus auantageuſe ſorte que iamais, les ornant de ſouſmiſſions apparentes, & m’incitant à ce qu’il vouloit, & ie ne l’entendois pas, il ſe veautroit deuant moy, & comme il m’eſtoit auis, il ſouſpiroit ne plus ne moins que s’il eut eu regret de me laiſſer, ou que ie ne le pouuois ſuyure. En cet excés de bonne volonté s’il y en a aux animaux d’autre genre que les hommes, ce piteux animal, ce pitoyable ſerpent, me faiſoit tous les iours & à toutes heures des geſtes, qui ſembloyent m’exciter à ſortir auec luy, il s’eſleuoit & en la violence de ſon vol, ſe bandant pour ſe grimper il me preſentoit ſa queuë, il me la laçoit mignardement autour des iambes, me l’offroit amoureuſement, pour l’embraſſer, & la coulant mignonnement, m’inuitoit à l’empoigner. Ces façons, ceſte grace, ceſte vehemente recherche, me donna courage, adonc d’vne determinee reſolution, ie me laçay à ceſte longue queuë, à laquelle ie me ioigni le plus eſtroittement que ie peu, & le dragon qui conſpiroit à mon bien, crochant l’extremité de ſon eſtendue me lia fermement à luy, & de telle force que quand i’euſſe voulu m’en diſtraire, il ne m’eut pas eſté poſſible. Eſtans ainſi ioints, il s’eſlança de force, & donnant des aiſles au vent, s’enleua m’emportant auec luy, & m’arracha de ce miſerable tombeau, où ma vie & mon corps giſoyent ainſi que hors du monde : Eſtans dehors & allez auant en l’air à cauſe de la viſte ſecouſſe & vehemente volee dont il ſe banda, ie me vis encor entre la mort & la vie, ne ſçachant qu’eſperer, tandis que ie formois ce penſement, le bō animal