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Le uoyage des Princes


acheuāt la voulte de ſon vol, ſe rabaiſſa languidemēt vers terre, & auec telle conſideration, qu’approchāt d’ēbas, il en raſoit la ſuperficie de peur de m’offēcer en me laſchant, ſe laiſſant couler ſi doucement ſur l’herbe, que ie n’euſſe peu mieux me ſoulager : ce faiſant, il allongea ſa queuë & ſe deſlia de moy fort agreablement, puis apres auoir (ie ne ſcay comme ie dois nommer ceſte mignardife) dit en geſtes najfs ce que ſon cœur imaginoit de bon, il prit le vaſte des aers, ſur leſquels il s’eſt guindé prenant la route de Leuant : Eſtant hors de ce gouffre, & du pouuoir du Dragon, de la raiſon duquel ie n’ay aucune aſſeurance, d’autant que le naturel n’eſt tranſmué, ſans le changement manifeſte de ce qui doit eſtre mué : ie repris mes eſprits, & apres auoir conſideré ce que i’eſtois, & d’où ie venois, ie remarquay vne petite ſente non gueres frayee, que ie ſuiuy iuſques à vn chemin qui m’eſtoit incogneu : y eſtāt, i’eſtois en peine, ne ſcachant ſi ie deuois prendre à droicte ou à ſeneſtre. En ce doute, i’entrevis aſſez loing de moy comme vne perſonne, ie ne fus pas deceu, car il eſtoit vray : adonc ie me haſtay en intention de m’enquerir de mon chemin, approchant de celle que i’auois veuë, & la diſcernant, ie cogneus que c’eſtoit vne femme qui cheminoit pas à pas, reſuant profondement à teſte baiſſee : l’abordant, & parlant à elle, elle ſortit de ſon penſer, & leua la teſte, puis m’ayant enuiſagé, ſe tourna & fuyt. Ie ne perdi point tēps, ie courus apres, ie l’atrape & empoigne le pā de ſa robe : Se ſentant arreſtee, elle iette ſes mains à ſa face, & auec pluſieurs cris effroyables parla en