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Le uoyage des Princes


ſeil, ils mirent ce beau fils & ceſte deſirable fille auec la ſage Arulante, qui les eſleua & enſeigna treſſoigneuſement, & ſi bien qu’ils furēt accomplis en tout ce dont leurs eſprits eſtoient capables : la belle Aderite fut premiere retiree d’auec ſa maiſtreſſe, & vn peu apres Gifeol fut enuoyé à la Court, & aux païs diuers pour ſe façonner, & cependant ayant la frequentation des Dames, il ſe mit deuant les yeux par la memoire de ſa premiere conuerſation les graces d’Aderite, auec laquelleil auoit veſcu en tāt de douceur, qu’object aucun ne luy ſembloit pouuoir apporter tāt de contentement que le penſer de ceſtuy-là, ce qu’il imprima ſi viuement en ſa memoire, que la belle deuint toute preſente à ſon cœur, & ſ’en affectionna tant, qu’il ſe laiſſa gouuerner à la douce paſſion qui naſquit de ceſte deſirable en penſee : Il eſt vray qu’au commencement & durant leur commune demeure, il auoit de l’amitié pour la belle ; mais la pointe d’Amour n’y eſtoit pas comme maintenant, que ceſte affection ſ’eſt tranſmuee en paſſion amoureuſe. Si l’amour trauailloit ſur le courage de Gifeol, il ne faiſoit pas moins en l’ame d’Aderite, qui eut les meſmes deſirs pour celuy qu’elle auoit eſleu Prince de ſes pēſees, & en ceſte ſeparation tous deux ſouffroient les angoiſſes que cauſoit leur importun eſlongnement. Gifeol ſe ſouuenoit des petits propos qu’enfant il auoit ouy dire aux vieillards de la future conionction de leurs enfans, ce qui luy mettoit plus fort les pointes d’Amour au cœur : Voila comment l’enfance garde les fortes repreſentations, & la memoire les cōſerue pour