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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/72

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fortunez. Entreprise I.


posé à celuy où il eſtoit vne grāde ouale d’argent, ſouſtenuë d’vn pieddeſtal, & par la lumiere des flambeaux monſtra à Feriſtee que c’eſtoit le but où il falloit tirer, lors que les feux oſtez, ils tireroiēt poſſible à l’auanture, & poſſible à l’eſgal de l’adreſſe. Les lumieres oſtees, le Roy qui ſouuent auoit fait cet eſſay, tira trois coups qui furēt ouys, d’autāt que la lame reſonna par l’atteinte du trait. Apres celà il dit à Feriſtee, faites autant ou mieux, vous auez ouy ce que i’ay executé : Sire, dit-elle, deux ſens ſont plus qu’vn, puis le plus exquis dōnera vn iugement plus aduantageux : alors ayant l’arc preſt, elle enfonça ſa fleſche, qui donnant ſon atteinte, ſe fit bien ouyr, apres elle decocha les deux autres coups, qui ne donnerent non plus de ſon, que ſi la fieſche euſt paſſé aupres du but oppoſé en le frayant. Et bien luy dit le Roy, qui a gaigné ? Sire, dit-elle, la veuë en rēdra teſmoignage. Les feux remis, on alla viſiter les fleſches, celles du Roy auoient chacune fait leur paſſage, ce qui fut cogneu & bien remarqué : mais celles de Feriſtee dont la premiere ſeule fit du bruict, n’auoient ſuiui qu’vne voye, car la belle auoit ſi biē addreſſé ſes coups, que la premiere ayant faict ouuerture, fut ſuiuie des autres, ſi que par le iugement meſmes du Roy, Feriſtee auoit le mieux fait, & pourtant ſa requeſte ne luy fut pas accordee par Roſolphe, qui opiniaſtre au vain maintien de l’opinion de ſa grādeur, ayma mieux libremēt ſe fruſtrer du plaiſir plus Vingulier que les feintes d’amour ptopoVent, que de retrācher de ſa gloire, en cōmuniquant la moitié de ſon authorité à vne fēme. En ceſte tentation il demanda à Feriſtee ſi elle


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