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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/733

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Le uoyage des Princes

Ou l’on ne cognoiſſoit que l’eſprit & les os,
Et i’eſtois reſolu, mais mon ardeur ſecrette,
Tant eſloigné de vous me troubloit ce propos.

Adoncq ie recogneu que ie n’auois de vie,
Que celle dont vos yeux m’animent doucement,
Et que ſi obſtiné ie ne changeois d’enuie,
Qu’il me faudroit perir trop deſdaigneuſement.

Pour m’oſter ce penſer ie faiſois penitence,
Mais plus ie m’affligeois plus ie ſentois d’amour,
Et mon feu ſe ſeruant de ceſte circonſtance,
Se ralumoit de nuit pour s’enflammer de iour.

Ie penſe que i’auois deſir de me diſtraire
Du tout du ſouuenir de vos perfections,
Ie ne le voulois pas : mais ie le voulois faire,
Me combattant moy-meſme en mes tentations.

Depuis qu’on s’eſt ſubmis à l’amoureuſe flame,
On ne ſe peut iamais deſdire de ſes vœux,
On pourroit auſſi toſt eſtre viuant ſans ame,
Que viure ayant aymé ſans en ſentir les feux.

Et puis me ſouuenant de voſtre belle grace,
Et que vos yeux eſtoient mes ſoleils de douceur,
Je ſentis vn brillant comme vn eſclair qui paſſe
Me venir arracher toute faſcheuſe humeur.

Adoncques reſueillé ie repris ma memoire,
Laiſſant le triste ſoin qui de vous me priuoit,
Et ſuyuant les deſirs de ma premiere gloire,
Je repris les deſſins que mon cœur conceuoit.

Je reuins voir vos yeux, & leur belle lumiere,
Me rendit eſperdu tant mon cœur fut ſurpris
Apres ie me remis en ma façon premiere
Au feu de vos beautez reprenant mes eſprits.

Et bien qu’encor ie ſois indigne, qu’il vous plaiſe
Accepter le deuoir de mon humilité,