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fortunez. Entreprise I.


iuſtement ſon coup, que la fleche decochee paſſa dans l’ouuerture de la main, emportant es airs l’orenge auec ſoy : puis ayant acheué ſon eſlancement vers le haut, ſe tourna ſi iuſtement, qu’elle reuint à plomb tomber au meſme endroit par où elle auoit paſſé, auquel lieu elle laiſſa l’orenge, & ſe ficha en terre, à l’endroit que celle du Roy s’eſtoit plantee. La vertu de ceſte Dame donnant d’vn autre trait dans le cœur du Roy, luy cauſa vn ſi vif deſplaiſir, que de regret deveoir ſa dexterité fleſtrie à l’ombre des perfectiōs d’vne ſimple demoyſelle, ſe mit au lict, plus atteint de fureur que de mal : là ſon dépit le recuiſant, il fantaſioit mille idees de vengeance contre l’amour, la Belle & ſoy-meſme, pour auoir apres tant de reſolutions donné entree à ce ruyneur de cœurs : lequel l’a tant raualé de courage. Ses malignes.pointes luy ſuggererent en fin vne cruauté que le dedain forgea ſur ce qu’il creut, que le meſpris auoit cauſé ces malheurs, parquoy ſe voyant ingratement foulé par l’orgueil outrageux d’vne qu’il a voulu faire plus grande qu’elle ne meritoit, ſelon qu’il le iuge en ſon amertume, il s’enuenime du tout contre elle, & en la vigueur de ſon indignation plain d’ire, excité de courroux & meu de douleur impatiente, commanda à quatre ſoldats de ſes gardes, d’aller incontinent ſaiſir Feriſtee, & la ietter en la foſſe de la tour, où repairoiēt les chiens dangereux, laiſſons luy prēdre vn peu de repos, à ce que toutes ſes fortunes ne la uyuent pas ſi viuement, & puis tantoſt nous acheuerons.