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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/79

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Le uoyage des Princes


deuāt les yeux les perfectiŏs de celle qu’il a deſolee, l’amour trauaillât auec le deſplaiſir, il reſſent de nouuelles pointes en sŏ cœur, il n’auoit iamais encor riē eſprouué de ſemblable, vn regret nŏpareil le deſchire auec toutes ſortes de violēces, & le proche repētir lui ſuggerāt vne abōdante deſplaisāce, le iette en vne ſi extreme melācholie, qu’il perit à veuë d’œil, & ſe conſommant de triſteſſe approche de ſa fin, en laquelle il ſ’auāce tant qu’il ne lui reſte plus qu’vn indigné ſouſpir qui eſt pres d’exaler, en ſacrifice d’expiatiō, aux ombres de celle dōt il lamente la perte, que ſon indiſcretiō a occaſionnee. Les grāds & le peuple eſtoiēt fort affligez de l’afflictiō de leur Roy, l’air de leurs gemiſſemēs retentiſſoit partout, & l’incōuenient de la court ſe manifeſtoit en tous endroits : ce bruit auec ce qu’il y auoit de verité, veint en la maiſon du Baſteleur qui en entretenoit ſa fille, laquelle oyāt les diſcours qu’on raportoit de la repētāce du Roy sētit en ſon ame vne nouuelle afflictiō qui lui formoit des pointes infinies de pitié, pour l’amour de celui qu’elle reueroit & aimoit parfaitemēt, & preſque ſa douleur eſtoit apparēte ; toutesfois elle ſceut ſagemēt ſe cōtenir, & pēſant aux penitëces que le Roy faiſoit en ſatisfaction du mal qu’il lui auoit pourchaſſé, ſe cōuertit toute à remedier à ce malheur. Dōques ayāt conſulté ſon bel entendemēt ſe reſolut de s’expoſer à la Fortune, pour obuier au deſaſtre qui ſe preparoit ; parquoy prenant le Baſteleur à propos lui dit : Mon pere ie vous ay touſiours dit que ie vous recognoiſtrois du bien que vous me faites, & il ſ’offre vne affaire à laquelle ſi vous voulez entēdre il y a moyē de vous faire