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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/827

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Le uoyage des Princes


uaſſe indigne de ſon amour, ſi auois-ie tant de plaiſir à me paſſionner pour elle que ce m’eſtoit aſſez : Et pource que ie m’eſtois addonné à tout ce qui peut & doit plaire aux beaux eſprits, ſçachant vne infinité de gentilleſſe, ie luy en dōnois le plaiſir, & pour toute ſatisfaction de mō amour luy communiquant ce que i’auois de plus rare, ce m’eſtoit aſſez ſi parfois auec ſa bonne grace ie pouuois deſrober ſa main pour la baiſer vn petit, ce que i’executois non en ſigne d’amour, car ie n’euſſe oſé, ains en hommage à celle qui peut dominer tous cœurs. Elle voyoit bien l’indiſpoſition de mon cœur, & en auoit pitié, & comme ie le penſois elle compaſſoit par ma paſſion cōbien plus auroit de trauail celuy auquel elle a pofé ſes affections, s’il l’ayme. Ie me fuſſe volontiers bruſlé d’Amour pour elle, mais incontinant ie rabbaiſſois ce beau penſer, eſtimant que ce me ſeroit folie de me conſumer pour vne qui eſtoit de trop grand lieu, & qui appartenoit d’amour à vn grand Monarque. Noſtre frequentatiō m’ayant inſinué en ſes belles graces, elle me cōmuniqua ſes affaires, qu’elle faiſoit tant pour me gratifier, tirant de moy mille petits plaifirs & ſeruices, que pour m’empeſcher de l’aymer d’amour, ce qui ſucceda, car quand ie fceu qu’elle eſtoit la Princeſſe de Boron, i’arreſté mes affections qui ſe conuertirent toutes en pure volonté de ſeruice, auſſi m’auoit-elle tellement dreſſé à ſon vouloir, & cognoiſſoit tant biē mon cœur, qu’elle ne fit point de difficulté de me deſcouurir ſon eſtat & ſa fortune, me manifeſtant que deſireuſe de voir & ſçauoir ſi ce qu’on luy racon-