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La Princesse Camion

faiſoient les victimes qu’il alloit immoler ; il en fut ſi ſurpris, qu’il fut quelque temps ſans parler : enfin il les interrompit pour demander ce qu’il y avoit de ſi plaiſant à ce qu’il alloit faire ? Elles redoublèrent leurs ris avec de ſi bruyans éclats, & de ſi bon cœur, qu’il ne put s’empêcher, malgré les chagrins qu’il reſſentoit, de mêler ſes ris aux leurs. Elles vouloient parler, mais elles ne pouvoient pas : elles ne l’interrompoient que pour dire, ah, je n’en puis plus ! Ah, j’en vais mourir ! Non, il n’y a rien de ſi plaifant ! Et de rire. Enfin, il arriva au palais en riant comme elles à gorge déployée ; & ayant montré à une tête de brochet qui étoit chef de cuiſine, ce qu’il tenoit dans ſes mains, on lui apporta un mortier de porphire vert garni d’or, où il mit ſes dix écreviſſes, & ſe diſpoſa à les piler. Alors le fond du mortier s’ouvrit, & il en ſortit une flamme brillante qui éblouit le prince, & qui rentra en même-temps que le fond qui ſe referma. Il ne vit plus rien, pas même les écreviſſes qui étoient auſſi diſparues ; cela l’étonna, & lui cauſa cependant de la joie, car il étoit affligé de piler des écreviſſes ſi joyeuſes. Le brochet parut fâché de cette aventure, il en pleura amèrement. Le