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La Princesse Camion

baignée comme on l’avoit ordonné ; j’allois chercher du lait de nos brebis, & nous en mangions pour nous ſoutenir ; car la reine n’avoit pas la force de vouloir autre choſe, & ce n’étoit que par amitié pour moi qu’elle vouloit bien conſerver une vie qui lui ſembloit ſi amère. Hélas ! ma fille, me diſoit-elle quelquefois, de quoi nous ont ſervi nos grandeurs & notre élévation ? car elle ne me cachoit plus ma naiſſance ; ne falloit-il pas plutôt naître dans un rang plus bas, puiſque la couronne entraîne des chagrins ſi grands ? La ſeule vertu, ma chère Camion, me les fait ſupporter, ma tendreſſe pour vous y aide encore ; mais il eſt des momens où mon âme ſemble vouloir ſe ſéparer de moi, & j’avoue que je ſens de la douceur à imaginer que je puis mourir.

Ce n’eſt pas moi que vous devez pleurer, ajoutoit-elle, c’eſt votre père, dont la douleur encore plus forte que la mienne, l’a porté à vouloir preſque ceſſer de vivre. N’oubliez jamais, ma chère, la reconnoiſſance que vous lui devez. Hélas ! madame, répondis-je, je ne ſuis pas capable de l’oublier jamais, & je le ſuis moins encore de ne pas me ſouvenir que vous avez bien voulu vivre pour me ſecourir.

L iv