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La Princesse Camion.

On me baignoit donc tous les jours, & ma mère s’ennuyoit fort de voir toujours le roi une ſtatue inanimée ; elle n’oſoit cependant le rappeler à la vie, craignant de lui donner la douleur d’être témoin de ce qui devoit m’arriver ; les fées ne l’ayant point ſpécifié, nous en étions dans une inquiétude mortelle. La reine ſurtout qui ſe figuroit des choſes effroyables, parce que ſon idée ayant un vaſte champ pour s’étendre, ne mettoit point de bornes à ſa crainte ; car pour moi, je m’en embarraſſois aſſez peu, tant il eſt vrai que la jeuneſſe eſt le ſeul temps où nous jouiſſons du préſent.

Ma mère me diſoit ſans-ceſſe qu’elle avoit envie de faire revivre le roi, j’en étois d’avis auſſi ; enfin, au bout de ſix mois, voyant que le bain des fées m’avoit fort embellie, & orné mon eſprit, qui ſe formoit de jour en jour, elle réſolut de ſe ſatisfaire, pour au moins, diſoit-elle, donner au roi le plaiſir de me voir ; ainſi elle m’ordonna de lui apporter de l’eau du puits. Effectivement, après le bain je remontai un vaſe de cette eau merveilleuſe, & la ſtatue n’en fut pas plutôt arroſée, que mon père devint homme. La reine ſe jeta à ſes pieds