Page:Le dictionnaire de l'Academie françoise, 1798 - T1, A-C.djvu/18

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viij DISCOURS


tormé des Ecoles ; les génies créateurs , les talens sublimes , n’étoient pas plus nombreux ; le nombre étûit beaucoup plus grand des Écrivains qui se partageoient avec éclat tous les genres de Littérature , et des esprits qui cultivoient avec succès tous les genres de connoissances. L’esprit humain , qui avoit pu s’observer dans les Arts et dans les Sciences créés par lui , avoit appris à s’étudier en lui-même et dans ses chefs-d’œuvre. De cette étude , étoit né cet esprit qu’or* a appelé l’esprit philosophique. C’étoit dans l’observation des Langues , surtout , que cet esprit philosophique avoit pris sa naissance et ses lumières j et il reversoit surtout ses lumières sur les Langues où il les avoit puisées. Il n’y avoit pas de Philosophe qui ne fût profond Grammairien , ni de Grammairien qui ne fût grand Philosophe. Les Locke étoient des Dumarsaisj les Dumarsais étoient des Locke. Une analyse hardie , fine et sûre , poursuivoit l’esprit dans ses plus secrètes opérations , le goût dans ses impressions les plus mystérieuses , et dévoiloit à l’un et à l’autre les prodiges de la pensée et du sentiment. En préparant des siècles nouveaux , l’esprit philosophique avoit fait renaître les études , presque abandonnées , des beaux siècles de l’antiquité. Homère et Virgile , dont on avoit voulu ébranler les autels , recevoient un culte plus éclairé , un culte qui n’étoit plus celui de la superstition , mais celui d’une admiration sentje , et de l’amour. Tous ces progrès ae l’esprit humain entroient dans l’Académie Françoise avec les hommes auxquels la France et l’Europe en étoient redevables ; et les hommes illustres qui n’en étoient pas , y faisoient entrer encore leurs lumières. Là , les Poètes , les Orateurs , les Historiens , capables de rendre compte à chaque instant des règles et des principes de leur Art qu’ils avoient approfondis , étoient également capables d’analyser , avec finesse et justesse , tous les mots et tous les procédés de leur instrument de la Langue Françoise. A cette même époque , où les Écrivains distingués descendoient dans toutes les profondeurs de leur Art et de leur Langue , ils se répandoient davantage dans le monde : en y parlant leur Langue ils observoient celle qu’on y parloit : ils observoient l’usage dans ces sociétés brillantes de Paris et de la Cour , d’où il dictoit des lois à toute la France. Tels ont été les hommes qui , depuis 1762. , époque de la dernière Edition du Dictionnaire , jusqu’à la destruction de l’Académie , c’est-à-dire , pendant trente ans , ont travaillé constamment ensemble à l’Édition que nous donnons aujourd’hui à la France et à l’Europe. On a nié que ce fût un avantage pour un Dictionnaire d’être composé par trente ou quarante Coopérateurs ; on a prétendu qu’un Dictionnaire , comme tout autre ouvrage , ne peut être très-bon , que lorsqu’il a été conçu et exécuté par un seul homme. Nous n’examinerons point si les hommes qui , à différentes époques , depuis Furetière , ont fait de pareilles entreprises , y ont réussi ; ceux qui annoncent aujourd’hui