Page:Le dictionnaire de l'Academie françoise, 1798 - T1, A-C.djvu/17

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PRÉLIMINAIRE. vij

acceptions connues. Ils étoient trop doués de ces facultés exquises de l’imagination qui analyse par le sentiment et par le goût ; et ils ne possédoient pas assez cette analyse de l’entendement qii veut remonter jusqu’aux principes même du sentiment , qui impatiente quelquefois le goût , alors même qu’elle l’éclairé.

Les beaux - esprits , ces singes maladroits du talent et du génie , aussi dépourvus du don de sentir que de l’art de définir , étoient trop occupes à déligurer et à gâter la Langue dans leurs sonnets et dans leurs sermons pour travailler beaucoup à la fixer dans un Dictionnaire. Ils s’en mêloient peu ; et c’est ce qu’ils faisoient de mieux pour cet ouvrage. Tout le travail du Dictionnaire étoit donc presque entièrement abandonné à ces Amateurs des Lettres qui n’écrivoient rien , et qui prononçoient sur tous les écrits; qui, tout fiers d’être Académiciens, ne manquaient pas une séance et une discussion, se faisoient tour-à-tour, entre eux, Directeurs et Secrétaires de l’Académie , et croyoient diriger et faire la Langue comme ilg faisoient et dirigeoient le Dictionnaire. On voit qu’à cette époque , le Dictionnaire de l’Académie Françoise ne pouvoit pas être très-bon; il ne pouvoit pas non plus être très - mauvais : il fut médiocre ; et c’es, ce qu’il j ouvoit être. Pour le faire paroître plus mauvais , on en publia d’autres ; et il en parut meilleur. ~ A sa naissance même et malgré toutes ses imperfewons , le Dictionnaire de l’Académie Françoise fut une autorité dans la ISation et dans la Langue, parce que l’Académie elle-même en étoit une. La critique du Cid , si supérieure à toutes les critiques qui paroissoient dans le même temps , prouve que cette autorité nVtoit pas tout-à -iàit usurpée. Cependant , au milieu des progrès de la Poésie , de l’Lloqucnce et de tous les Beaux- Arts , l’esprit philosophique naissoit ; il entrait à l’Académie Françoise caché , tantôt sous le nom d’un Orateur ou d’un Poète , tantôt sous celui d’un Grammairien et d’un homme de Goût : c’est cet esprit qui , seul, peut l’aire un bon Dictionnaire : il aime l’étude des mots, parce qu’il ne peut se passer de la justesse des idées ; et la variété , l’importance , la richesse des points de vue , sous lesquels il envisage cette étude qui , aux esprits frivoles , paraît puérile et sèche , la fait embrasser et cultiver avec une sorte de passion par tous les esprits pénétrans , étendus , solides. Les Académiciens, qui n’avoient vu d’abord qu’un devoir pénible dans le travail. du Dictionnaire , y cherchèrent bientôt , pour leur esprit et pour leur goût, des plaisirs et des secours : les séances et les discussions se prolongèrent. Chaque nouvelle Édition du Dictionnaire corrigea donc ce qu’il avoit d’imparfait, et ajouta à ce qu’il avoit de bon: la dernière fut celle de 176:1. A cette époque , déjà depuis "vingt ans à-peu-près , l’Académie Françoise étoit composée très - différemment qu’à sa naissance et dans les jours qui la suivirent. Pascal, Eossuet , Racine, Boileau , n’avoient pas été surpassés, ni peut - être égalés ; mais , ils n’étoient que des Maîtres , et ils avoient