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PRÉFACE.


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L’Académie fait aujourd’hui paraître la sixième édition d’un Dictionnaire commencé il y a deux siècles, et devenu le dépôt des formes durables et des variations de notre langue pendant l’intervalle où elle a été le mieux parlée, et où elle a pris un empire presque universel en Europe. Le génie littéraire avait commencé et illustré cet empire ; la puissance des armes l’a, de nos jours, rendu pour un moment plus rapide et plus absolu : mais il se maintient surtout par l’influence sociale de la France, et reste lié à toutes les idées généreuses dont sa littérature et ses lois ont reçu l’empreinte. En ce sens, on peut dire que si la langue latine, imposée par l'invasion et la force[1], a été l’idiome de la religion qui succédait à l’ancien monde, la langue française, propagée par la politique et les lettres, est et doit demeurer l’idiome principal de la civilisation qui réunit le monde moderne.

Ce point de vue suffit sans doute pour attacher un haut intérêt au vocabulaire et à l’histoire contemporaine de cette langue que parlaient, depuis plus d’un siècle, toutes les cours de l’Europe, que savent maintenant tous les peuples, et dont l’action subsiste et se renouvelle sans cesse. On peut la considérer sous des aspects bien divers, depuis les curiosités du grammairien, les finesses de l’homme de goût, jusqu’aux inductions spéculatives du philosophe : mais elle ne saurait être désormais étrangère à aucun homme civilisé.

L’inventaire actuel de notre langue la saisit à son point de dernière maturité, gardant presque tous les types de deux siècles voisins et opposés, enrichie d’une grande variété de formes, par la diversité des opinions et des mœurs qu’elle a vues passer, et rassemblant, pour ainsi dire, sous la même date, l’expression

  1. * Opera dati est ut imperiosa civitas, non solium Jugum, verbum etiam linguam suam domitis gentibus. « imponeret, per quam non deesset, imo et abundaret interpretum copia. » (S. Augustin, De civitate Dei, lib. xix.)