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xxxii PRÉFACE.

lames d'airain, où sont gravés éloquemment d'immortels principes. Et quand le sol fut raffermi, et la violence calmée, sans que la passion fût éteinte, notre idiome, énervé par l'affectation et la mollesse dans les derniers temps de l'ancienne monarchie, se retrouva plus capable de sérieux et d'éloquence.

Les premières maximes de la révolution avaient élevé les âmes : ses excès reportèrent beaucoup d'esprits éclairés vers l'étude d'un autre siècle, où la pompe d'un ordre social glorieux et respecté s'était réfléchie dans le génie de grands écrivains que la sincérité de leurs croyances maintenait libres. Ce retour ne fut pas sans action sur le caractère et sur les formes de notre langue, aux premières années du dix-neuvième siècle. De là quelques souvenirs d'une pureté classique se mêlèrent heureusement à toutes les hardiesses de l'imagination affranchie.

Depuis longtemps l'égalité des droits était acquise à la France ; le débat politique lui fut enfin restitué, à la tribune, et par la presse, cette âme des États modernes légalement gouvernés. Ces deux influences de la liberté dans les institutions, et de la démocratie dans les moeurs ont dû se marquer sur le langage ; et elles lui rendent bien plus en force vive et en mouvement naturel qu'elles ne lui ôtent de pureté.

Ce n'est pas ici le lieu de retracer les espérances actuelles de notre belle langue, dont cette édition renferme le dernier classement et le froid inventaire. Dans l'édition publiée en 1798, sans l'Académie qui n'existait plus, mais sous les auspices d'un de ses membres, on annonçait la régénération de l'idiome, des moeurs et de l'esprit français. De telles promesses ont peu de vérité ; et les choses humaines ne marchent pas ainsi. Il nous suffit que la langue, instrument de la pensée française, ne soit jusqu'à ce jour ni impuissante ni faussée, et que la magnificence, la mélodie, la précision, la gravité qu'elle peut encore atteindre, soient attestées par des exemples que citera l'avenir.

Mais ce qui peut augmenter la gloire de la littérature ajoute rarement au vocabulaire ; et les changements, les accroissements que le besoin et l'usage ont consacrés dans notre langue depuis quarante ans, ne sont pas, à tout prendre, fort nombreux. Ce n'est pas à les constater et à les réunir que se borne la révision aujourd'hui publiée par l'Académie. Les hommes qui ont tour à tour dirigé cette oeuvre de patience et d'analyse ont porté plus loin leurs recherches, et recommencé pour le passé l'examen attentif de la langue. Rien n'a été négligé pour en épurer et en compléter le recueil. Les mots ont été expliqués avec plus d'étendue, dans toutes les variétés de leur sens ; les exemples de locutions et de phrases multipliés avec choix, et empruntés à toutes les nuances du langage écrit.

Les termes de sciences et d'arts étaient entrés en plus grand nombre dans l'usage. Au caractère précis et méthodique des définitions qui s'y rapportent, on reconnaîtra souvent le soin qu'ont bien voulu donner à cette portion du travail de l'Académie plusieurs membres des autres classes de l'Institut, et quelques artistes célèbres. Des avis de tout genre ont été recueillis pour une tâche pénible,