Page:Le dictionnaire de l'Academie françoise - 1694 - T1 - A-D.djvu/11

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PREFACE.

Mais il y en a qui se sont avilis dans la bouche du menu Peuple, et qui ne peuvent plus avoir d’employ que dans le style familier. Cependant comme ils font une partie considerable de la Langue, on a pris soin de les recueillir, aussi bien que les façons de parler Proverbiales, dont on a marqué les significations et les differens employs.

L’Académie s’est attachée à l’ancienne Orthographe receuë parmi tous les gens de lettres, parce qu’elle ayde à faire connoistre l’Origine des mots. C’est pourquoi elle a creu ne devoir pas authoriser le retranchement que des Particuliers, et principalement les Imprimeurs ont fait de quelques lettres, à la place desquelles ils ont introduit certaines figures qu’ils ont inventées, parce que ce retranchement oste tous les vestiges de l’Analogie et des rapports qui sont entre les mots qui viennent du Latin ou de quelque autre Langue. Ainsi elle a écrit les mots Corps, Temps, avec un P, et les mots Teste, Honneste avec une S, pour faire voir qu’ils viennent du Latin Tempus, Corpus, Testa, Honestus. Et si un mesme mot se trouve escrit dans le Dictionnaire de deux manieres differentes, celle dont il sera escrit en lettres Capitales au commencement de l’Article est la seule que l’Académie approuve. Il est vray qu’il y a aussi quelques mots dans lesquels elle n’a pas conservé certaines Lettres Caracteristiques qui en marquent l’origine, comme dans les mots Devoir, Fevrier, qu’on escrivoit autrefois Debvoir & Febvrier, pour marquer le rapport entre le Latin Debere & Februarius. Mais l’usage l’a decidé au contraire ; Car il faut reconnoistre l’usage pour le Maistre de l’Orthographe aussi bien que du choix des mots. C’est l’usage qui nous mene insensiblement d’une maniere d’escrire à l’autre, et qui seul a le pouvoir de le faire. C’est ce qui a rendu inutiles les diverses tentatives qui ont esté faites pour la reformation de l’Orthographe depuis plus de cent cinquante ans par plusieurs particuliers qui ont fait des regles que personne n’a voulu observer. Ce n’est pas qu’ils ayent manqué de raisons apparentes pour deffendre leurs opinions qui sont toutes fondées sur ce principe, Qu’il faut que l’Escriture represente la Prononciation ; Mais cette maxime n’est pas absolument veritable ; Car si elle avoit lieu il faudroit retrancher l’R finale des Verbes Aymer, Ceder, Partir, Sortir, et autres de pareille nature dans les occasions où on ne les prononce point, quoy qu’on ne laisse pas de les escrire. Il en estoit de mesme dans la Langue Latine où l’on escrivoit souvent des lettres qui ne se prononçoient point. Je ne veux pas, dit Ciceron, qu’en prononçant on fasse sonner toutes les lettres avec une affectation desgoustante. Nolo exprimi litteras putidius. Ainsi on prononçoit Multimodis & Tectifractis, quoy qu’on écrivist Multis modis & Tectis fractis ; Ce qui fait voir que l’Escriture ne represente pas tousjours parfaitement la Prononciation ; Car comme la Peinture qui represente les Corps, ne peut pas peindre le mouvement des Corps, de mesme l’Escriture qui peint à sa maniere le Corps de la Parole, ne sçauroit peindre entierement la Prononciation qui est le mouvement de la Parole. L’Académie seroit donc entrée dans un détail tres-long et tres-inutile, si elle avoit voulu s’engager en faveur des Estrangers à donner des regles de la Prononciation. Quiconque veut sçavoir la veritable Pro-


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