Page:Le dragon blesse Croisset Francis 1936.djvu/132

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Pao-Ma-Chang a accoutumé de dire qu’elle y habite un tombeau. À la vérité, elle loge dans la petite maison funéraire où se restauraient les descendants du mort lorsqu’ils venaient rendre hommage à ses mânes. La tombe est au fond du jardin, enfouie sous des arbres penchés. Le soir, un rossignol chante dans les branches tandis que sous des lanternes de papier la maîtresse de maison joue au bridge avec des officiers américains et leurs épouses. Tous ont les mains huilées et les jambes enveloppées dans des taies d’oreiller à cause des moustiques.

La maison, où l’on a installé le chauffage central et construit des salles de bains, s’adosse à une ferme et est devenue confortable. Le petit-fils du défunt, un vieux gentilhomme chinois gêné d’argent, sachant que Mlle de Balleran entretiendrait le tombeau, lui a cédé ce funèbre domaine qui respire d’ailleurs la gaieté.

Quand j’entrai dans son salon, Mlle de Balleran qui n’aime au monde que la Chine, les animaux et le bridge, était agenouillée devant une corbeille où une chienne mettait bas sous l’œil compréhensif d’un cochon noir. Un âne passait sa