Page:Le dragon blesse Croisset Francis 1936.djvu/212

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Nous avions dîné dans un petit restaurant russe qui me rappelait les cabarets que j’avais vus autrefois à Constantinople et que tenaient également des réfugiées qui avaient naguère en Russie connu un sort brillant. À Moukden, les Russes blancs ne sont pas trop à plaindre : la colonie européenne ou américaine est assez nombreuse pour s’opposer aux persécutions et leur venir en aide. C’est à Kharbin que leur sort est atroce. Ils y sont à ce point misérables que certains en arrivent à vendre leurs filles aux Chinois et que d’anciens généraux deviennent coolies et traînent des rickshaws ! Qui d’entre nous peut regarder cela d’un œil indifférent ? C’est toute la race blanche qui perd la face !

Du moins, à Moukden, ces courageux exilés, dont quelques-uns réussirent à monter un petit commerce, ne risquent-ils point d’en être du jour au lendemain dépossédés. Mais à Kharbin, le fait est quotidien. Ils y descendent aux mêmes métiers que la lie des Chinois et se trouvent sans cesse en compétition avec eux. Sur une simple plainte ou une dénonciation envieuse, on les arrête, les chasse ou les exile. Ils n’ont aucun recours, car ils n’ont