Page:Le dragon blesse Croisset Francis 1936.djvu/249

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cune m’apparaît comme un petit chef-d’œuvre énigmatique.

Dans ce salon fané et neuf, penché sur sa table, le pinceau à la main, encadré de ses deux vieux dignitaires fidèles, il semble le symbole même de l’exil. Je vois derrière la fenêtre, parmi les humbles bâtiments, aller et venir sa maigre garde de soldats. Dans cette ville moderne, pressée, fiévreuse, où chaque heure voit naître une construction nouvelle, il représente le plus ancien, le plus immuable des mondes, mais ce monde, lui aussi, est changé. Je pense que l’impératrice douairière, T’Zu-Hsi, doit se retourner dans sa tombe s’il lui est donné de voir l’héritier qu’elle s’est choisi tenir ainsi ses audiences sans le moindre apparat, dans un salon dont elle n’eût point voulu pour la dernière de ses esclaves, lui qui jadis était si sacré que sa vue même était interdite à ses sujets et qu’aux yeux des courtisans prosternés dans les cours de marbre rien ne révélait sa présence auguste qu’un lourd rideau hermétique derrière lequel s’élevait solitaire, dans sa splendeur noire et pourpre, le trône divin des Fils du Ciel.