Page:Le dragon blesse Croisset Francis 1936.djvu/55

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C’est dans les vieilles maisons que le jeu est le plus pittoresque. Il y a les joueurs du parterre et les joueurs du balcon : la racaille et le gratin. Les privilégiés sont parqués dans une grande loge et, penchés sur son rebord, descendent au moyen d’une ficelle leur monnaie dans une coupe que lentement vide, trônant à la table du fan-tan, un croupier d’ivoire en robe de sorcier. À côté de la table, un comptoir fonctionne où un expert, assis devant une balance, estime, soupèse, scrute et finalement échange, avec une lenteur qui n’est pas due au scrupule, les objets les plus imprévus.

Tout le monde joue à Macao : la petite fille fardée qui n’est pas une écolière mais Une courtisane et qui, entre deux passes, risque le salaire de sa nuit ; le mandarin qui, ayant perdu son argent, joue ses bagues ; la grande dame qui, du balcon, jette dans la coupe des billets qu’elle dédaigne de compter ; le coolie du rickshaw qui, escomptant son pourboire, l’aventure ; le mendiant redressé qui, avec noblesse, ponte le sou qu’il vient d’implorer ; le croupier lui-même qui, à peine relayé, court tenter sa chance au fan-tan voisin, et cette