Page:Le dragon blesse Croisset Francis 1936.djvu/66

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vent répétée pour en exagérer l’importance. Persuadés qu’ils se sont déjà incarnés des milliers de fois et que des millions d’autres vies les attendent, ils s’installent dans l’existence comme dans une chambre d’auberge qu’ils préfèrent confortable mais à laquelle ils ne s’attachent point. Ils n’ont jamais qu’une âme de passants.

M. Abel Bonnard, dans Chine raconte qu’un Français se trouvant dans un hôtel de Pékin avisa un domestique qui, tout en le servant, lisait par-dessus son épaule, avec un intérêt intelligent, le livre que lui-même parcourait. Ayant interrogé le Chinois, il s’aperçut que celui-ci avait poussé ses études assez loin.

— Hé ! quoi, dit-il avec surprise, instruit comme tu l’es, tu fais un métier de domestique ?

— Bah ! répondit l’autre, ce n’est que pour une vie.

Ceci ne les empêche point d’être cupides : il convient de tirer de l’existence non seulement le maximum de distractions et d’agréments, mais encore de profits. Mais ils sont intéressés avec un fonds d’indifférence. La chose essentielle est de ne pas commettre, en offensant les mânes de leurs