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Nos reporters, qui ne le cèdent en rien à leurs confrères d’outre-Manche, sont munis d’une carte qui leur est délivrée par la préfecture de police, et qui leur facilite, dans certaines circonstances, l'exercice de leur profession. Il a été plusieurs fois question de leur retirer ce laissez-passer, et peut-être sera-ce chose faite quand ces lignes paraîtront. Dans tous les cas ils sauraient parfaitement s’en passer. Que faudrait-il, en effet, pour cela ? Du flair, de l’audace et de l'imaginative, et ces trois vertus théologales du reporter ne leur font généralement pas défaut.

Citons, à ce sujet, une anecdote peu connue, racontée dernièrement par les Débats, sur J.-J. Smith, qui vient de mourir à New-York, et qu’on appelait le roi des reporters américains. C'était lors des obsèques du général Barker. Le gouvernement avait voulu faire une niche à Smith et ne lui avait pas accordé de carte d’entrée pour la cérémonie. Smith trouva moyen de pénétrer par la cheminée dans la chambre mortuaire et de se faufiler parmi les assistants. Le clergyman avait déposé son chapeau sur un meuble. Dans ce chapeau se trouvait un rouleau de papier. Smith s’en empara et constata avec joie que c'était le discours que le ministre protestant devait lire sur la tombe. Lorsque le clergyman voulut prononcer l’adieu funèbre, il chercha son rouleau, et, ne le trouvant pas, il se vit forcé d’improviser une allocution. Pendant ce temps, le journal paraissait et donnait le texte exact et authentique du discours que lui avait envoyé son habile reporter.

Disons, du reste, puisque nous sommes sur ce chapitre, que la presse française tend de plus en plus à se transformer dans le sens de la presse américaine. Assurément il y a encore chez nous