Page:Le journal, Hatin.pdf/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 180 —

moulage est fait ; les formes sont alors poussées sous les presses chaudes, et six minutes après, montre en main, le chef clicheur lève les matrices, empreintes parfaitement sèches, sonores, qui, avec plus de souplesse cependant, ressemblent à des galettes de carton-pierre. D'un coup d'œil il vérifie la beauté du moulage, passe la matrice au talc et s'approche des moules chauffés à l’avance. Ces moules sont de grandes lingotières cylindriques en deux parties, l’une concave et l’autre convexe. Il glisse la matrice dans la partie concave dont il lui fait prendre la forme, la maintient par un cadre en fer à branches cintrées, rabat la partie convexe et relève le moule. On va couler. Le pochon dont on se sert est une boîte en fer de la contenance d'environ 60 kilogrammes ; deux hommes la saisissent par les poignées dont elle est armée, et jettent plutôt qu'ils ne versent dans les moules le métal en fusion qu’elle contient. On dirait une nappe d'argent qui s’engouffre sur les matrices. La coulée est à peine figée qu’elle est sortie du moule, la matrice enlevée, talquée à nouveau, et disposée pour une nouvelle épreuve. Répétée plusieurs fois, cette opération fournit autant de reproductions de l'épreuve première qu’on en peut désirer : on fond quelquefois jusqu’à dix pages dans la même feuille de carton sans altérer la finesse du moulage.

Pendant que nous suivions cette opération, le chauffeur avait donné issue à la vapeur emmagasinée sous les dômes de ses chaudières, les moteurs s'étaient ébranlés, et tout autour de nous les courroies couraient sur les poulies folles. Nous voyons les pages, non plus planes cette fois, comme les formes de composition, mais parfaitement cylindriques, se succéder sur la plate-forme