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en état de service, San-Francisco passant encore pour le lieu du monde où régnait la licence la plus effrénée.

Je me souviens que ce fut durant cette partie de notre voyage que tomba l’anniversaire de Sa Majesté la reine d’Angleterre, et je ne doute pas que notre souveraine n’eût ressenti une joie véritable à voir l’entrain avec lequel nos compatriotes donnèrent en cette occasion carrière à leurs sentiments. Malheureusement, l’un d’eux poussa l’enthousiasme jusqu’à dire des injures à un homme de l’Ouest, dont la patience n’était pas la vertu dominante. Celui-ci, dans la chaleur de la discussion, tira son revolver, et notre compatriote, qui n’eut que le temps de s’esquiver, reçut, au moment où il franchissait la porte, une balle dans certaine partie de sa personne qu’il ne put de quelques jours faire servir à. sa fonction normale, celle de s’asseoir. L’homme de l’Ouest fut, pour la forme mis aux fers pendant un jour ou deux, puis remis en liberté sur la parole, qu’il donna de ne plus avoir recours à ce genre d’argument. L’affaire s’arrangea, et tout finit par force poignées de mains et force rasades.

En remontant la côte du Mexique, nous touchâmes à Acapulco, pour faire du charbon, et nous eûmes le plaisir d’une course à terre et d’un bon repas d’œufs et de volaille. Les seuls animaux vivants que l’on pût trouver dans la ville nous parurent être des poules et des poulets.

Peu de jours après avoir quitté ce four brûlant, nous passâmes par la Porte-d’Or, c’est le nom donné n l’entrée dm magnifique port de San-Francisco. Il me serait difficile de dire quelle était notre joie à la pensée que nous allions enfin être délivrés de notre infecte prison.

La plupart de nos compagnons de voyage n’allaient pas plus loin, et, comme le bateau qui devait nous porter à l’île Vancouver ne partait pas de quelques jours, ce fut pour nous une véritable joie que d’avoir à faire un séjour momentané dans la Golden city (cité de l’or).

À suivre.

R. B. Johnson.

Traduit de l’anglais par A. Talandier.


LES INONDATIONS

Le feu est à coup sûr un élément terrible. Quand l’incendie exerce ses ravages au sein d’une cité populeuse, ou même dans les rangs moins pressés des habitations villageoises, il excite dans la population un sentiment général d’effroi mêlé d’angoisses. À la pensée des pertes matérielles qui peuvent causer la ruine de plus d’une famille, vient se joindre celle, plus douloureuse encore, des victimes possible du fléau ; les ténèbres de la nuit ajoutent encore, par le contraste, un caractère plus effrayant aux scènes de désolation et de tumulte qui accompagnent toujours un incendie de quelque importance. Mais il est rare qu’on ne parvienne pas à arrêter la marche du feu ; en lui faisant, comme on dit, sa part, on en circonscrit les atteintes, et, de plus, presque toujours l’invasion de l’élément destructeur n’est ni assez soudaine ni assez rapide pour que les personnes n’aient le temps de lui échapper.

L’eau, dans les inondations, dans les orages et les trombes, est plus terrible que le feu. Son irruption est plus soudaine, plus irrésistible, et les désastres qu’elle cause jettent la dévastation et la ruine sur des contrées tout entières. À sa masse, que multiplie une vitesse quelquefois effrayante, aucune force humaine, aucun obstacle matériel ne peut résister, et la fuite est le seul moyen d’échapper à son étreinte. Or, la fuite n’est pas toujours possible.

Les récits des sinistres que les crues et les débordements ont occasionnés cet automne, en Suisse, en France, mais surtout en Italie, sont autant de témoignages qui prouvent malheureusement trop bien la vérité de la comparaison que nous venons de faire entre les deux agents destructeurs.

C’est dans les premiers jours d’octobre que les pluies abondantes et continues, suite des bourrasques et des tempêtes de l’équinoxe, ont provoqué la crue rapide du Pô et de ses affluents ; puis, presque simultanément, des inondations étaient signalées en Suisse, dans le Rheinthal, dans les cantons des Grisons, de Saint-Gall, du Tessin, c’est-à-dire sur les flancs de ce massif des Alpes d’où divergent, avec les eaux du Rhin, du Rhône, du Tessin, de l’Inn, celles des quatre grands bassins qui s’inclinent vers la mer du Nord, l’Adriatique, la Méditerranée ey la mer Noire. La Suisse, déjà si éprouvée l’an dernier, a eu cette année plus de peur que de mal. Cependant, pour donner une idée des ravages que peuvent causer les eaux subitement grossies des torrents des Alpes, nous citerons un fait, tel qu’il est rapporté par le Journal de Genève, du 16 octobre :

Dans la nuit du 5 au 6 octobre, le village de Marmels, nu pied du Septimer, a etc en quelque sorte couvert par un énorme, éboulement de pierres, suivi d’une masse effrayante d’eau charriant des pierres, du gravier, des arbres déracinés, etc. C’est un désastre complet ; les prairies, seules ressources des habitants de ce village, ne sont plus qu’une vaste étendue de pierres, de gravier, apportés par les eaux.

Voilà l’inondation sous une de ses formes, irruption soudaine et violente de l’élément destructeur, qui frappe pour ainsi dire comme la foudre. Ce n’est pas la plus terrible, ni la plus lugubre, bien qu’elle fasse souvent des victimes, par la rapidité avec laquelle les eaux envahissantes surprennent les populations. Niais rien n’est comparable aux débordements des grands cours d’eau, aux crues des fleuves qui, comme la Loire, le Rhône, la Saône, le Pô,