Page:Le journal de la jeunesse Volume I, 1873.djvu/340

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« Je suis pourtant bien sur, dit-il, que ces morceaux d'obus qui sont là, sont de vrais morceaux. Eh bien, j'ai beau m'en servir pour me guider et suivre du regard avec précaution le talus, il m'est impossible de voir où la toile commence. C'est assez désagréable d'être attrapé de cette façon-là.

—Mon ami, répondît mon oncle, les débris et le talus que vous voyez près de vous, et d'autres objets tels que gabions canons, placés tout près de la toile, sont justement, destinés à vous tromper en reliant par des objets réels la plate-forme au tableau qui se développe tout autour de nous et dont vous ne voyez ni le haut ni le bas. C'est un procédé de trompe-l'œil qui n'était pas employé dans les premiers panoramas. Mon grand-pere, qui avait vu les oeuvres de Barker en ce genre, et plus tard celles de Fulton et des peintres français Fontaine, Prévost et Bourgeois qui travaillèrent sous sa direction, nous disait que les anciens panoramas étaient des vues prises à vol d'oiseau, ce qui donnait de merveilleux lointains, mais permettait de ne pas faire de premiers plans. Ainsi le spectateur était censé sur une hauteur isolée, au sommet d'une tour, sur une plate-forme d'édifice. On voyait de là des villes comme Londres, Paris, Rome, Naples, Jerusalem, Athènes de vastes chantiers et des ports comme Portsmouth, Toulon, Anvers; des batailles comme Tilsitt et Wagrain. J'étais encore assez jeune lorsque le colonel Langlois; agrandissant les dimensions et perfectionnant les procédés des tableaux de panoramas, en fit un que l'on vint voir en foule. C'était peu de temps après la bataille de Navarin. Le sujet par lui-même attirait, et le talent du peintre était à la lïauteur du sujet. L'artiste, rompant avec les anciennes méthodes, qui ne inontraient les choses que dê loin, eut l'idée à la fois pgénieusc et hardie de placer les spectateurs' au milieu même de l'action 4 peinte sur'le tableau. Je me rappelle encore mon étonnemënt lorsque, arrivé en haut de l'escalier noir, je me trouvai tout à coup sur le pont d'un grand vaisseau. Un certain ̃nombre d'objets de marine, réels otWimites, disposés avec artifice entre les spectateurs et la toile, jouaientle même rôle que le talus, les quaT<âfèrs1'1 de boulets et les objets dont nous parlions touf à l'heure, et complétaient l'illusion. Le succès fuMel'que les mêmes procédés fîrfent appliqués aux panoramas faits depuis. Les vues 'd'Alger, la bataille de la Moskowa, l'incendie de Moscou, la bataille d'Eylau, celle des Pyramides, la prise de Sébastopôl, oeuvres du colonel Langlois, ont acquis une renommée universelle; la défense du fort d'Issy ne tardera pas a en acquérir une pareille.

–De sorte que le triomphe de cette peinture, dit Jonqùet; c'est d'etre exécutée de façon àn'avoir absolument aucune apparence de peinture et je croirais même' 'que plus iôni regarde' comment c'est fait, et moins on le voit.

– Parfaitement raisonné, mon ami, dit mon oncle et puisque nous sommés entrain délirer des conclusions, il y a aussi quelque chose qu'il ne faut pas oublier en présence d'un tableau comme celui-là, qui représente un douloureux, mais glorieux épisode de notre histoire c'est que nous valons peut-être mieux que les Allemands ne veulent bien le dire. D'abord, ils n'ont pas pris notre fort d'Issy, pour ne parler que de lui, ce qui prouve qu'il ne s'est pas mal défendu. Pourtant ils ne l'ont pas ménagé, car en vingt-deux jours de bombardement ils lui ont lancé soixante mille boulets, obus et bombes, ou à peu r'près. Le nombre des hommes qu'ils ont tués ou blesses dans le fort est insignifiant quand on le compare au nombre des projectiles qu'ils ont dépensés. On m'a affirmé qu'une soixantaine d'hommes tout au plus avaient perdu la vie ou reçu des blessures. Comme on ne peut guère admettre que nos ennemis n'ont pas fait tout ce qui était nécessaire pour arriver à la plus belle somme possible de victimes, c'est certainement moins à leur humanité qu'aux précautions et aux travaux de nos officiers du génie que nous devons d'avoir à regretter si peu de monde, lit où l'on pouvait s'attendre à en perdre tant ce qui peut prouver aussi que nos ingénieurs militaires, pour n'avoir pas étudié à Berlin, ne sont pas forcément des ignorants et des maladroits. »

Claparot


LE SAHARA ALGÉRIEN

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EXPÉDITION CONTRE LES CHAMBAS D'EL GOLEAH

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Au sud de notre belle colonie algérienne s'étend une vaste région déserte, sablonneuse, sillonnée de dunes et de rochers noirs et calcinés, parsemée en revanche de riantes oasis, dont la fraîche verdure forme un agréable contraste avec les sables brûlants qui les entourent c'est le Sahara algérien, une portion de l'immense Sahara, qui couvre presque tout le nord de l'Afrique.

Ce désert est parcouru, par des tribus nomades, vivant principalement de l'élevage des troupeaux, et qui ont leur centre de réunion dans les oasis. La possession de ces dernières a toujours été un sujet de discordes entre ces tribus du désert. Chacun de ces ombrages entourant une source limpide a été l'objet de plus d'un sanglant combat. L'oasis concentre en effet tous les trésors que la nature a refusés au reste du pays de l'eau, un sol arable, des arbres. Aussi chacune d'elles est entourée de murailles et sert de dépôt aux tribus nomades, qui y mettent leurs grains et leurs richesses à l'abri pendant qu'elles vont chercher au loin des pàturages pour