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leurs troupeaux. On donne ù ces oasis fortifiées le nom de Ksur, ville forte.

La France, après s'être emparée de l'Algérie, se vit obligée d'étendre peu à peu son influence sur le pays des oasis, afin de maintenir en respect les turbulents nomades et de protéger notre colonie contre leurs incursions.

En 1862, une expédition dirigée par le commandant Colomieu pénétra dans le pays des Chambas et s'avança jusqu'à Onargla, a plus de 80 lieues au sud de notre colonie, sur la limite même du grand Sahara. Ouargla, surnommée l'oasis des Sultans, est une des plus vastes du Sahara algérien; sa superficie dépasse 600 hectares et sa population est d'environ 1600 âmes; elle était alors la capitale d'un petit royaume chamba et le refuge de tous les rebelles méconnaissant notre autorité.

Le commandant Colomieu réussit à pacifier les tribus Chambas et teur fit reconnaître notre suprématie.

En 1872, le général de la Croix, poursuivant les tribus révoltées du sud de la province de Constantine atteignit de nouveau Ouargla; il obtint ainsi la soumission d'une partie des Mkhadmas et des Chambas, mais les chaleurs de l'été l'empèchèrent de pousser jusqu'à El Goleah, autre oasis située à 73 lieues plus au sud, où s'étaient réfugiés les derniers débris de l'insurrection.

Cependant les dissidents ne cessant d'inquiéter les fractions soumises de leurs propres tribus, celles-ci s'adressèrent au gouvernement français pour être protégées contre les razzias auxquelles elles étaient exposées. Le général de Gallifel fut chargé de diriger une expédition sur El Goleah.

La colonne partit de Biskra, province de Constantine, le 13 décembre 1872. Elle se composait de 2 compagnies de turcos, de 3 compagnies de discipline, de escadron de spahis et de 3 pelotons de chasseurs d'Afrique, formant un effectif de 830 hommes.

Prenant la direction du sud, par la route des caravanes, la colonne expéditionnaire descendit directement a Touggourt, chef-lieu de l'oasis de l'Oued Rir, d'où, poursuivant sa route dans la même direction, elle atteignit Ouargla le 8 janvier de cette année.

La colonne y fit une halte de trois jours, qu'elle employa à tout préparer pour assurer sa marche à travers le désert car au delà d'Ouargla toute l'infanterie devait être portée à dos de chameau.

Les chefs des Mkhadmas et des Chambas soumis avant procuré gratuitement les 3000 chameaux nécessaires au transport des troupes et des provisions, la colonne se remit en marche. Elle emportait avec elle quarante jours de vivres et 80 000 litres d'eau, enfermés dans des tonnelets et des outres de cuir.

Nos soldats supportèrent courageusement les longues marches à travers l'atmosphère embrasée du Sahara; la nuit, ils campaient auprès de quelque source saumàtre, ou autour d'un maigre bouquet d'arbres. A trois reprises différentes, les tourbillons de sable soulevés parle simoun vinrent assaillir la colonne en marche.

Le simoun est un coup de vent très-violent, qui, brisé dans sa marche par de nombreuses dunes, se divise en une infinité de tourbillons. Il n'a pas, ainsi qu'on l'a cru longtemps une influence mortelle, et la quantité de sable qu'il soulève ne pourrait suffire à ensevelir une caravane, comme les voyageurs arabes l'ont souvent raconté. Mais, outre qu'il est violent, il est brûlant et chargé de sable au point d'obscurcir l'air. Les outres contenant l'eau suintent toujours plus ou moins, et ce suintement est tellement activé par la haute température du vent et par la couche de sable qui les recouvre rapidement, qu'une demi journée de simoun suffit pour dessécher une outre complètement.

Aussi il arrive souvent que les caravanes, surprises par un de ces violents coups de vent, voient leur provision d'eau épuisée en quelques heures si les puits sont encore éloignés de plusieurs journées de marche, les malheureux voyageurs tombent rapidement sous les étreintes de la soif, et bientôt les sables soulevés par le vent ont englouti leurs cadavres. Mais avec des tonnelets hermétiquement fermés, contenant la provision d'eau, on peut impunément braver le simoun.

Enfin, le 21 janvier, quatorze jours après son départ d'Ouargla, la colonne atteignit El Goleah.