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à ranger ma maison : tu vois bien que tu fais quelque chose pour moi. Allons, emporte tes poupées et continuons. Prends avec soin cette grande boîte : je vais l'ouvrir pour te montrer ce qu'il y a dedans : c'est très précieux.

— Ah ! je connais bien cela, c'est un violon. Mais quel drôle de violon ! il n'est pas rouge comme ceux des violoneux qui font danser auxpréveils, et puis il a un gros ventre tout rond.

— Ce violon-là, mon enfant, a été fait il y a trois cents ans en Italie, par un savant faiseur de violons qui s'appelait Amati. Le roide France de ce temps-là, qui était Henri III, lui commanda vingt-quatre beaux violons pour faire de la musique aux noces du duc de Joyeuse, un seigneur qu'il aimait beaucoup; et mon violon est un de ceux-là. Tu penses bien qu'il a voyagé depuis, avant de revenir en Italie où je l'ai acheté, et qu'il a vu bien des choses.

— Quel dommage qu'il ne puisse pas les raconter ! s'écria Anne. Est-ce que vous savez en jouer, mademoiselle ?

— Non, mais je l'ai acheté pour sa rareté ; c'est très-curieux et très-précieux, ces violons-là. Je l'ai prêté plusieurs fois à des artistes, et il a les sons les plus doux qu'on puisse entendre. Là! remettons-le dans sa boîte. Maintenant, range-moi ces pierres sur cette étagère.

— Ah ! les jolies pierres ! Il y a du bleu, du blanc, du noir, du gris. où les trouve-t-on?

— Elles viennent d'un volcan d'Italie. Tu ne sais pas ce que c'est qu'un volcan ? »

Anne secoua la tête et se mit à ranger les pierres. MUe Léonide remarqua qu'elle cessa de faire des questions, et qu'elle fut un peu moins gaie le r este du jour. C'était la première fois qu'elle souffrait de son ignorance, la pauvre Anne ! Elle y songea toute la soirée, et s'endormit en se demandant s'il était possible de devenir aussi savante que Mlle Léonide sans faire autant de voyages qu'elle.

A suivre.

Mme Colomb.


LES MINES DE DIAMANTS

DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE


I


Vers la fin de l'année 1865, les journaux de Cape Town, la capitale de la colonie anglaise du cap de Bonne-Espérance, annoncèrent que des voyageurs en excursion dans la vallée de la rivière Vaal y avaient découvert des mines de diamants. Des indigènes leur avant présenté plusieurs de ces pierres, ils avaient creusé le sol et avaient pu s'assurer qu'il renfermait de précieux gisements de l'étincelant cristal de carbone.

La nouvelle fut accueillie d'abord avec incrédulité, mais lorsque les premiers spécimens eurent été exposés dans un des principaux magasins de la ville, la colonie entière fut prise de cette soif de richesses, qui a si bien caractérisé la découverte de la Californie et de l'Australie, et que* l'on appela alors la FIÈVRE DE L'OR.

Si l'or avait troublé tant de têtes, les diamants devaient encore plus exalter les esprits. Ce n'était plus en amassant lingot sur lingot que chacun devait arriver à une fortune subite, non il allait suffire de se baisser pour ramasser un ou deux de ces petits cailloux brillants et l'on se relèverait riche, millionnaire.

Les marchands, les employés, quittèrent leurs comptoirs ; les marins désertèrent leurs navires les ouvriers, les fermiers abandonnèrent leurs travaux. On vit plusieurs officiers de l'armée anglaise demander des congés, pour aller, eux aussi, tenter la fortune. Le président de la république du Transvaal, plus amoureux de la fortune que des honneurs, prit lui-même, la pioche sur l'épaule, le chemin du nouveau Potosi.

Mais la nouvelle s'était répandue en Europe, en Amérique, et bientôt chaque navire amena à Cape-Town des centaines d'aventuriers de tout rang, de toute condition, enflammés tous du désir de trouver la fortune à ces sources de diamants.

Ces steppes arides, où végétaient misérablement quelques tribus de nègres Griquas, et que parcouraient le lion et la girafe, le buffle, l'antilope et l'autruche, se virent tout à coup envahies par des troupes de gens de toutes les nations du globe.

Des villes de planches ou de toile s'élevèrent de toutes parts comme par enchantement, et ce que tous les efforts de la civilisation n'eussent pas fait en un siècle, la fievre des diamants le fit en quelques mois.

Les bêtes fauves furent exterminées, les Griquas, les Korannas et les Béchuanas se virent refoulés dans l'intérieur des terres ou durent offrir leurs bras au travail des mines. Ce désert, que traversaient à peine