Page:Le journal de la jeunesse Volume I, 1873.djvu/68

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faire bonne figure, et, quand,régulièrement, à l'heure du goûter, ma vieille servante vient, annoncer à ces messieurs et à ces demoiselles que la collations est servie, ces messieurs et ces demoiselles'in'invitent. J'accepte; et alors, vu la gravité de l'occupation à laquelle on se livre, l'entretien,se ressent'de cette gravite.

C'est que, pendant la quinzaine, la plupart de mes convives ont'mis en réserve. maintes questions pour en gratifier, à son premier-jeudi, l'oncle Anselme, qui aime a y repondre, et qui, d~aveiiture meme lës provoque.

Presque toujours l'actualité fournit les thèmes'premiers de nos,entretiens; et il n'est alors o'e'sujets.. méme fort sérieux ~dont'nous ne nous occupions;'car ) je suis intimement convaincu qu'en tout ce qui touche à cette loyale et solide pratique de la vie, dont nous ne leur faciliterons jamais trop l'apprentissage, il n'est rien qui ne puiss&'iutéresser les jeunes coeurs et les fraîches intelligences.

Or, l'idée m'est'venue de transcrire certaines de ces causeries et de les envoyer au Journal de la jeunesse. Ainsi pensé, ainsi fait. Puissent les lecteurs ne pas m'en savoir trop mauvais gré.


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LE JURY


« Oncle Anselme, dit l'un de mes neveux, il y avait chez nous l'autre soir, entre mon père et deux de ses amis, une grande discussion a propos d'une loi qu'on vient, je crois, de faire sur le j'ut'y. Ils 'Ont~ causé longtemps. J'ai bien écoute. J'avais d'abord compris qu'ils'agissait de jugement ;mais un de'ces-mcs-~ sieurs ayant dit qu'il ne fallait pas confondre les jurés = et les juges, ,et mon'pere ayant répliqué' « Non, sans doute )); je n'ai'plus compris du tout.

En effet; remarque'un second, dernierement je, lisais dans un journal le procès d'un homme qUi avait' commis des crimes, le journal disait « Lc~'M'y ayant' déclaré'âccusé~coupable, le <)'!&MK< a'prononcéla condamnation'))~'Je"n'ai.pas bien saisi non plus. <DécIarei"eoupablc'~et'condamner, ce n'est donc pas ila même chdse' Unju'ry~n~est donc pas un tribunal?, 'Et, s'il ne~juge pas~qu'ést~ce qu'il fait donc?:

– Mes enfants, ai~je-'répondù, nous allons, si vous le voulez bien~'essayer de faire là clarté sur cela par un exemple'qui'soifà. votre portée.

Je suppose un'vieux, et très-respectable instituteur qui'toutësa'vieeuHa~ constante préoccupation de maintenir dans sa'Classe laplus scrupuleuse discipline. 'a'toujours'été persuadé-qu'en veillant rigoureusement; au bon'ordre, il'assurait l'indispensable élément de succès'nl'étude, au tràvail. Il exige le silence, l'attention, Tenort de mémoire ou de conception/raccord'entre les-condisciples,'ennn tout ce qui peut contribuer au'bien selon ~i et la'moindre infraction à ces exigences, dont il n'entend rien rabattre, implique pour le' délinquant tels pensums~ telles .punitions, strictement proportionnés à'la gravifé de la faute.

Il faut ajouter que depuis de longues années'il est à cheval, cominc on dit; sur sa rigueur; et que' en contractant l'habitude_dc la'sévérité, ou en cherchant par trop a proportionner les peines aux fautes, il a fort'bien pu oublier le temps ou il était enfant, et ries conditions de l'existence, faite aux écoliers. Aussi devons-nous peut-être craindre que sa façon' 'd'apprécier les fautes ne se ressente de l'état un peu exceptionnel de son esprit ou de sa situation.

Ici, remarquez-le bien, car cela importe, nous ne redoutons pas seulement l'excès de sévérité (ce.qui' ~nous convaincrait dc faiblesse pour les coupables)~ 'mais aussi, au cas echeant,'la disposition contraire qui'poun'ait! contribuer au relâchement de ce bon ordre; de cette discipline qui nous sont chers autant qu'au vieux'maître)

Alors; dans l'intéret de ce,qui nous semble être la stricte justice, nous allons le trouver, et pour la l'expression future des fautes, nous lui proposons un nouveau mode d'appréciation. Il Aous écoute attentivement, et; vu'son amour professionnel et instinctif pour la vérité, il accepte.

Bientôt l'occasion se présente d'appliquer notre système. Dans la même semaine; deux écoliers, Paul et André, sont arrivés a la classe sans savoir leurs leçons, et sans apporter les devoirs qu'ils auraient dû faire.

Aux"termes de la tradition établie dans l'école, chacun'd'eux serait passible d'un'pensum de trois cents lignes et de deux heures de i'etGnue.'&faist][t' tendons avant d'appliquer la loi.

Nous sommes allés choisie dans des écoles tout a fait étrangères à celle où la'~faute a 6teeommîse, douze ecoliers .qui 'nous ont été signalés comme les -plus méritants, dont la conduite n'a jamais encouru le moindre reproche, d'honnêtes, de laborieux de dignes enfants. Nous fos~avons réunis, nous leur avons dit, cn'faisant solennellement appel ~à leur conscience, qu'ils vont aYOtt'~à~so-prononcei" sur le fait de deux ecoliers accusés d'avoir failli à leur tâche.

Nous faisons venir successivement devant eux les deux inculpés, qui donnent'a'peu-près les mëmes raisons de leur inexactitude :la veille ils ont travaillé tard pour achevet leurs devoirs et, par suite, le mâtiné ils'se-sont oubliés à dormir, au-lieu d'apprendre leurs leçons enfin ils he savent ce qu'est devenue la copie des devoirs qu'ils avaient faits.

Puis, à l'aide des cahiers de punitions qui sont produits, et où le compte de Paul est des plus légers, pendant que celui d'André est des plus lourds, à l'aide des renseignements que viennent fournir tels ou tels élevés de la classe, nous ouvroïts, comme on dit," une enquête' sur les antécédents des deux enfants, sur leurs habitudes, leur caractère. D'ail-