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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/104

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nation de Iahvé, ils combattaient les guerres de Iahvé. A l’époque d’Antiochus Épiphane, ils avaient été divisés. Le prestige de l’hellénisme avait entamé la nation. Mis en demeure de l’adopter tout entier, y compris le culte des dieux, obligés de choisir entre la mort et l’apostasie, les fidèles, les saints devaient affronter la mort et cela pour acquérir le droit de pratiquer librement leur culte. Ils reconnaissaient volontiers que la nation était châtiée pour ses fautes, mais eux s’offraient à combattre pour leurs autels, à souffrir pour leur foi religieuse, pour leur Dieu, à lui rendre témoignage, à être ses martyrs. Ils formaient donc un groupe distinct, défendant la cause de Dieu contre les ennemis d’Israël, mais aussi contre des Israélites infidèles. Sans cesser d’être nationale, la lutte était avant tout religieuse. Les saints étaient personnellement les ayants cause de Dieu, ils devaient être récompensés dans leur personne. On ne pouvait concevoir que Dieu les abandonnât, et frustrât le corps, sacrifié pour lui, de toute participation au triomphe final qu’exigeait l’honneur de Dieu. C’est à eux, sans distinguer les saints tout à fait éminents et les autres[1], que Daniel promet la résurrection pour la vie éternelle, comme il menace leurs adversaires de la réprobation : « Et en ce temps-là, ton peuple sera sauvé, quiconque sera trouvé inscrit dans le livre »[2], et non point tous les Israélites indistinctement : « Et beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour une vie éternelle, les autres pour les opprobres, pour la réprobation éternelle »[3].

Cette espérance était celle des martyrs. Elle est nettement attestée par l’un d’eux : « Au moment de rendre le dernier soupir, il dit : « Scélérat, tu nous ôtes la vie présente, mais le Roi de l’univers nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour être fidèles à ses lois »[4].

Cette union indissoluble, contractée par le juste avec Dieu, qui ne sera même pas rompue par la mort, c’est sa part personnelle, sa récompense essentielle. Les destinées individuelles passent ainsi au premier rang ; c’est sur cette espérance de la vie bienheureuse, et par contraste et à un moindre titre, sur la crainte du châtiment, que le judaïsme fondera la pratique de la morale, l’observation de la loi.

Mais l’espérance traditionnelle de la nation n’est point diminuée pour cela : elle entre au contraire dans une phase plus active. La promesse d’un grand roi, fils de David, n’avait jamais été oubliée. Cependant durant la période persane, après la déception des espoirs qu’on avait fondés sur Zorobabel, elle s’était presque effacée dans l’impuissance évidente pour

  1. Comme le prétendent beaucoup de critiques.
  2. Dan., xii, 1.
  3. xii, 2. On sait que la révélation s’est complétée dans le sens de l’universalité.
  4. II Macch., vii, 9.