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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/106

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des temps, et une moitié de temps[1]. » Le prophète annonçait assez clairement la destinée d’Antiochus Épiphane, qui devait se dresser contre Dieu avec l’intelligence d’un homme à peine différent d’un animal, tant ses instincts étaient bas et cruels.

Il serait cependant vaincu, et céderait la place à un homme, mais à un homme venu du ciel. Après que la bête fut tuée et son corps détruit et livré aux flammes, apparut le chef du dernier empire : « Je regardais dans les visions de la nuit, et voici que sur les nuées vint comme un Fils d’homme ; il s’avança jusqu’au vieillard — qui représentait Dieu lui-même—, « et on le fit approcher devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et règne, et tous les peuples, nations et langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit[2]. »

Si Daniel s’en était tenu là, il ne serait douteux pour personne que le Fils de l’homme était le nom du roi céleste de l’avenir. Et c’est bien ainsi que l’a entendu l’évangile et le livre d’Esdras[3]. Les modernes se sont complus à exclure l’indication d’une personnalité très haute en affectant de s’en tenir aux termes de l’explication donnée à Daniel : « les Saints du Très-Haut recevront le royaume, et ils posséderont le royaume pour l’éternité, pour une éternité d’éternités. Et le règne, la domination et la grandeur des royaumes qui sont sous tous les cieux seront donnés aux Saints[4] du Très-Haut ; son règne est un règne éternel, et toutes les puissances le serviront et lui obéiront[5]. » On prétend donc que les bêtes représentent quatre peuples, le peuple d’Israël ayant seul le privilège d’être représenté par un homme, comme étant seul élevé au-dessus des instincts charnels des nations. Mais c’est oublier que, précisément avant de donner sa solution, le prophète répète que « ces grandes bêtes, qui sont quatre, ce sont quatre rois qui s’élèveront de la terre[6] ». Les anciens n’auraient pas conçu l’idée des empires sans leurs chefs. Les saints composent le nouvel empire ; ils auront donc nécessairement un roi pour l’inaugurer et pour le régir, comme Nabuchodonosor, comme Cyrus,

  1. Dan., vii, 20-25.
  2. Dan., vii, 13 s.
  3. Mt., xxvii, 64 ; IV d’Esdras, xiii, 3. Quant au livre d’Hénoch, la question sera reprise plus bas.
  4. D’après Théodotion. Le texte massorétique porte : au peuple des saints du Très-Haut. Ce qui est une altération dans le sens nationaliste, car Daniel a toujours dit : « les saints du Très-Haut (vv. 18, 22, 25), ou « les saints » (vv. 21-22). « Le peuple » doit d’autant plus être exclu ici qu’il crée une équivoque, la phrase qui termine devant s’entendre du peuple d’après la construction, mais de Dieu pour le sens. Le nationalisme a pénétré encore plus nettement dans la formule des LXX : τῷ λαῷ ἁγίῳ ὑψίστῳ (pour ὑψίστου syr.).
  5. Dan., vii, 18. 27.
  6. Dan., vii, 17.