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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/176

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laissant les places fortes, sauf les trois repaires qui seront si utiles à Hérode, Hyrcanion[1], Alexandreion[2] et Machéronte[3]. Elle se débarrassa pour un temps d’Aristobule, en l’envoyant guerroyer dans la région de Damas où il n’eut guère l’occasion de se distinguer.

Peu après, elle se tira non moins heureusement d’une autre alerte par des politesses envers Tigrane, roi d’Arménie, qui menaçait d’envahir la Palestine, et dont les Romains la délivrèrent ensuite plus efficacement.

Mais la maladie abattit son énergie. Aristobule voulut prévenir les intrigues des Pharisiens qui consentaient à ménager Alexandra pour régner sous son nom, mais étaient devenus les adversaires irréconciliables des Asmonéens. Il s’empara des places fortes et il était déjà maître de la situation quand la reine mourut, à l’âge de soixante-treize ans.

Josèphe la dépeint comme une politique hardie, estimant le présent plus que l’avenir, c’est-à-dire réaliste dans ses desseins, mettant le pouvoir absolu avant tout, sans chercher ni le bien ni la justice pour eux-mêmes. Son jugement prouve qu’Alexandra ne se laissa pas guider dans ses préférences par des sentiments de piété. Elle en eut cependant la réputation, car les docteurs ne pouvaient oublier qu’elle avait été docile à toutes leurs suggestions.

Cette dévotion amena les bénédictions du ciel qu’on colora des teintes d’un messianisme purement temporel, caractérisé par l’abondance miraculeuse des fruits de la terre : « Sous Siméon ben Schétaḥ et la reine Salomé, la pluie tombait les veilles du Sabbat[4], au point que le froment devint (gros) comme des reins, l’orge comme des noyaux d’olives et les lentilles comme des dinars d’or ; les docteurs ramassèrent de ces grains et en conservèrent des échantillons pour montrer aux générations futures où mène le péché[5].

De la faveur accordée aux Pharisiens il resta plus que le souvenir d’une réaction passagère. La reine révoqua l’édit d’Hyrcan qui déniait toute valeur légale aux sentences des docteurs. Désormais elles avaient donc, sinon absolument force de loi, du moins l’autorité d’une jurisprudence à laquelle nul ne pouvait contredire[6]. Ce principe demeura gravé dans la conscience du peuple, et aucune réaction politique ne put l’abolir.

  1. Nous croyons que c’est une forteresse située à l’est du Mounṭar, au lieu nommé Mard, à quatre heures de Jérusalem, dans le désert.
  2. Le Qarn Ṣarṭabeh qui domine la vallée du Jourdain au nord de Jéricho.
  3. Au delà de la mer-morte ; cf. L’Evangile de J.-C., p. 153, où cette forteresse est mentionnée d’après Josèphe comme le lieu de la captivité de saint Jean-Baptiste.
  4. Moment où les Juifs ne voyagent pas et où elle est donc bien reçue par tout le monde ; en fidèle observatrice de la Loi, la pluie s’arrêtait le jour du sabbat.
  5. Derenbourg…, p.111.
  6. Ant., XVI, xii, 2 : « elle rétablit toutes les coutumes que les Pharisiens avaient introduites d’après la tradition des ancêtres et qui avaient été supprimées par son beau-père Hyrcan ».