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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/175

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C’est du moins ce que raconte Josèphe. Cette capitulation d’un chef militaire mourant à quarante-neuf ans au milieu de son armée victorieuse, maître de la situation depuis douze ans, paraît invraisemblable. Assurément ses généraux auraient pris soin, par la force s’il l’eût fallu, de ne pas abandonner son cadavre à d’ignobles outrages.

Cependant tout s’explique si Jannée, décidé à laisser le pouvoir à sa femme, a compris que toutes ses inclinations la portaient vers les Pharisiens, et qu’elle se serait empressée d’accepter leur tutelle. Il valait mieux pour sa mémoire que le conseil en vînt de lui. De cette façon il fut enseveli avec les honneurs qui lui étaient dus. Son fils ainé Hyrcan était indolent et peu capable ; Alexandra se fit proclamer reine[1] et ne pouvant exercer le sacerdoce, elle le nomma grand pontife. Elle-même aurait pu gouverner avec les fidèles serviteurs de son époux, mais elle craignait sans doute de perdre sous la domination des hommes de guerre l’apparence même de l’autorité, et elle préféra subir l’influence en principe plus discrète des légistes. Ceux-ci cependant n’étaient pas hommes à se contenter d’une ingérence occulte, qui ne leur eût pas permis de satisfaire librement et ouvertement leur soif de vengeance. Il semble que c’est à partir de ce moment qu’ils pénétrèrent en corps comme docteurs de la Loi dans le grand conseil des Juifs, réservé jusqu’alors à la noblesse et aux prêtres[2]. Ces deux catégories figurent seules dans les anciens documents : sous Hyrcan II commencera la nomenclature qui nous est si familière par le Nouveau Testament : les grands prêtres, les anciens et les scribes. C’est donc sous Alexandra que les anciens scribes purent faire exécuter par des arrêts le droit qu’ils avaient fixé. D’ailleurs sous une reine dont le pouvoir était absolu, ils n’avaient pas besoin de recourir toujours aux formes légales. Ils obtinrent d’elle la mise à mort de plusieurs conseillers du feu roi.

Les anciens serviteurs, ceux surtout qui étaient des hommes d’armes, détenteurs de places fortes, sans doute aussi les chefs des mercenaires étrangers, ne consentirent pas à se laisser décimer l’un après l’autre. Le plus jeune fils de la reine, Aristobule, ne demandait qu’à se mettre à leur tête, souffrant impatiemment d’être privé du pouvoir.

L’habile politique qu’était Alexandra sut rassurer les capitaines en leur

    même, s’il avait été mal avec le peuple, c’était, dit-il, parce que les Pharisiens, outragés par lui, l’avaient noirci ».

  1. Très peu de monnaies avec la légende : ΒΑΣΙΛΙΣ. ΑΛΕΞΑΝΔ. Son nom hébreu est incertain. Wellhausen se prononce nettement pour Salma. Mais c’est la même que la femme d’Aristobule que Josèphe (Ant. XIII, xii, 1) nomme Salomé, du moins d’après quelques manuscrits. Niese préfère Salina, qui ne correspond pas aux noms employés par le Talmud, lesquels permettent de conjecturer une forme שלמציון (cf. Σαλαμψιώ, Ant., XVIII, v, 4). Cf. Schürer, I, p. 287 note 2.
  2. Wellhausen, Israelitische und Judische Geschichte, 2e éd. p. 269 ss.