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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/313

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la loi de Moïse[1] ». Ils se posent en juges du droit. C’est donc qu’ils constituent un groupe : un groupe qui ne tient son autorité ni du grand prêtre, ni du peuple, mais de la tradition des anciens. Ils ont une tradition relativement à la connaissance de la Loi et à la manière de l’appliquer dans les cas qu’elle n’a pas prévus explicitement. Ils sont donc dirigés par un corps de docteurs qui a conscience de sa valeur, et dont l’autorité tient à sa science même. Désormais ils se distinguent des autres. On a par conséquent pu les nommer Pharisiens, c’est-à-dire « séparés[2] », et l’on comprendra mieux bientôt combien cette appellation était exacte. Ce n’est pas eux qui se la sont donnée, et elle est extrêmement rare dans la Michna[3]. Ce fut donc d’abord une sorte de sobriquet qu’ils finirent par accepter, lorsqu’ils se firent un honneur de n’être pas mêlés à tout le monde. Eux-mêmes auraient continué à se nommer les saints (ὅσιοι), comme dans les Psaumes de Salomon, où ils revendiquent ce titre[4].

C’est qu’en effet, à une connaissance plus approfondie de la Loi et de la tradition, dont ils étaient fiers, ils joignaient en principe l’application la plus stricte de la Loi et des points qu’ils en avaient déduits. Pratiquer est mieux encore que connaître : qu’y avait-il dans cette attitude qui ne fût parfaitement louable ? L’attachement ponctuel aux plus petites choses, si elles sont commandées, ne laisse pas d’être enseigné dans tous les ordres religieux catholiques comme un principe fondamental. Être fidèle dans les plus petites choses que Dieu commande, c’est lui témoigner un grand amour.

Encore est-il qu’il existe une hiérarchie des choses bonnes, et que les principales ne doivent pas être subordonnées aux moindres, comme si l’on sacrifiait la charité à l’observance de quelque point de règle. C’est ce que les prophètes avaient inculqué fortement, en montrant la supériorité de la loi morale et de la charité sur le culte lui-même.

Les Pharisiens avaient ajouté à la Loi des points nouveaux. Mais cela était nécessaire. La Loi n’avait pas tout prévu. Il fallait régler un grand nombre de cas au jour le jour, c’est-à-dire rendre des arrêts. Ceux des anciens faisaient autorité ; d’autres venaient s’y joindre. Quand les plus doctes, après de longues veilles, de non moins longues discussions, étaient tombés d’accord sur un point, il était sage de suivre leur décision : c’est le principe de toute jurisprudence.

On sait que les avis des prudents de Rome, ce qu’on a appelé la raison

  1. Texte cité plus haut, p. 269.
  2. En hébreu parouchim (פרושים), en araméen parichin (פרישין) signifie les « séparés ». De qui ? Du vulgaire impur, comme nous le verrons tout à l’heure. Les hésitations de Moore (Judaism, I, 60 ss.) ne sont pas justifiées.
  3. Schürer (II, p. 468) cite les passages dans Jadaïm iv, 6-8 ; Khagiga ii, 7 ; Sota, iii, 4.
  4. Voir plus haut, p. 158.