Aller au contenu

Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/489

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

draient habiter dans les âmes (Jo., xiv, 16. 23). Les œuvres apocryphes antérieures à l’évangile, ne contiennent pas ce contrepoids. Il y avait dans cet excès de révérence un danger d’éloignement de la pensée et de refroidissement dans la charité.

D’autant que cet éloignement ne signifiait pas un sentiment plus éclairé de la transcendance réelle de Dieu, qui consiste dans sa spiritualité essentielle. Qui conçoit Dieu comme l’Esprit pur admet volontiers que cet Esprit est partout et même en lui. En éloignant Dieu, la littérature hénochienne le matérialisait plutôt en lui assignant une demeure parfaitement déterminée et un trône. Sans doute Isaïe et Daniel avaient vu Dieu sous une forme sensible mais ils indiquaient clairement le caractère symbolique et transitoire de la vision. Les apocalypses croyaient pouvoir décrire une réelle habitation de Dieu dans une région déterminée. L’inconvénient de la distance pour le sentiment religieux n’était pas compensé par une véritable transcendance spirituelle.

Il reste à voir si le rabbinisme ratifia cette notion d’un intervalle entre Dieu et l’homme par la fiction d’un intermédiaire, la Chekinah personnifiée, ou si la Chekinah ne fut qu’une manière d’exprimer la présence de Dieu dans le monde, dans Israël et dans l’homme, ou comme dit M. Abelson, son immanence.

Bousset (1) tient toujours l’opinion qui fut celle de Maimonide (2). La Chekinah serait une sorte d’intermédiaire entre Dieu et l’homme. D’après Maimonide, une substance créée ; d’après Bousset une sorte d’hypostase. Et il est certain que la personnification est allée très loin. La Chekinah joueJe rôle d’un ange. De même que Dieu dit (Ex.) XXIII, 23) : « Mon ange ira devant toi », le Targum lui fait dire (Ex., xxxiii, 14 s.) : « Ma Chekinah ira (devant toi). »

elle a

M. Abelson reconnait que la Chekinah est fortement personnifiée une face, elle parle, agit, chante, se plaint, fait des reproches, encourage, se fâche, apaise (3). Mais tout cela est aussi le fait de Dieu. On ne saurait la prendre pour une créature. Et si elle joue le rôle de Dieu, elle est donc Dieu lui-même, car le judaïsme n’eût pas consenti à partager la nature divine, et n’aurait pas voulu s’exposer à ce qu’on lui reprochât d’être tombé dans la doctrine des deux pouvoirs (4). Et de fait la Chekinah est très souvent, on peut dire normalement, une

(1)Op.I.,p.346.

(2) Guide des égarés, i, 58, 73, 88, 286, 283 m, 43, 93.

(3) ABELSON, op. l., p. 98.

(4) M. Jacob Zallel Lauterbach, dans la Jeioish Encyclopedia

pense que « L’attitude de

polémique que décèle la conception de la Chekinah par rapport au fondateur et à l’idéal du Christianisme est certaine » (unmistakable). — Peut-être a-t-on voulu répondre à ce qu’a dit Mt., xviu, 20 de la présence du Christ parmi ceux qui seront réunis en son nom.